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Italie : Prodi ne fait de promesses qu'aux patrons
Après cinq ans au gouvernement, Berlusconi est donné perdant aux élections législatives italiennes qui auront lieu les 9 et 10avril. C'est ce que prévoient la plupart des sondages et ce serait aussi une confirmation du résultat des élections régionales de l'an dernier, qui ont vu les partis de gauche et du centre-gauche remporter la majorité dans onze régions sur les treize alors concernées par le vote.
Une victoire du centre-gauche ramènerait au pouvoir Romano Prodi, un homme dont les travailleurs italiens ont déjà eu à subir la politique antiouvrière entre 1996 et 1998, avant de le voir mener les années suivantes une politique semblable, mais cette fois à la tête de la Commission européenne.
Prodi n'a nullement changé. Et pourtant il est significatif de voir les dirigeants du Parti Socialiste français, et en particulier ses divers candidats à la candidature présidentielle en 2007, se rendre les uns après les autres en Italie pour se montrer à ses côtés. De façon semblable à ce qui pourrait se passer en France, la politique de la droite au gouvernement permet au centre-gauche d'apparaître à peu de frais comme un moindre mal, sans avoir à s'engager à rien vis-à-vis des travailleurs et des couches populaires. De Prodi aux présidentiables socialistes français, il s'agit de laisser croire que l'on est porteur d'un changement, sans rien promettre en réalité.
En octobre, les partis de gauche et du centre-gauche italiens ont d'ailleurs inauguré un système de "primaires" pour désigner Prodi comme le chef de leur coalition électorale, baptisée tout simplement "l'Unione" (l'Union). Du même coup, c'est aussi lui qui était désigné pour établir le programme de "l'Unione", avec guère plus d'obligations que celle de "consulter" ses partenaires. Rifondazione Comunista, le parti communiste maintenu, qui est la gauche de la coalition, a alors fait accepter à ses membres le ralliement à Prodi, au nom de l'unité nécessaire "pour chasser Berlusconi".
L'affairiste et magnat de l'audiovisuel Berlusconi est certes devenu un repoussoir, lui et ses partenaires douteux de la Ligue du Nord, xénophobe et raciste, ou de l'ex-parti fasciste mal défascisé, flanqués pour ces élections de la petite-fille du "Duce", Alessandra Mussolini. Une récente déclaration de celle-ci, proclamant que "mieux vaut être fasciste que pédé", donne une idée de la profondeur de sa pensée politique. Mais Berlusconi ne fait guère meilleure figure à la télévision face à Prodi, ou bien lors de cette émission qu'il a quittée, plantant là la journaliste qui l'interrogeait en lui disant: "On voit bien que vous êtes de gauche"!
Cependant, au nom de la nécessité de renvoyer Berlusconi aux nombreux procès qui l'attendent, la gauche impose l'unité derrière le démocrate-chrétien Prodi, fait passer sous la table toutes les revendications ouvrières, et met d'avance un barrage à toute contestation qui pourrait venir de sa gauche.
En effet, dans son programme, Prodi ne fait guère que quelques vagues promesses. Il parle d'établir plus de justice et de cohésion sociales, mais cela après l'assainissement financier et à condition que l'économie reparte. Comme toujours, c'est aux travailleurs qu'il demande des efforts. Au nom des nécessités de la compétitivité et des intérêts de "l'entreprise", c'est-à-dire des patrons, il se prépare à imposer des sacrifices aux salariés, tout en leur promettant que la justice sociale viendra... après, toujours après.
Dans ses discours destinés aux patrons, Prodi promet d'ailleurs ouvertement à ceux-ci de diminuer "le coût du travail". Le président de la Confindustria, Luca Cordero di Montezemolo, opine à ces déclarations en reprochant même à Berlusconi de ne pas en promettre autant!
Prodi compte sur l'absence de contestation à sa gauche, et sur le soutien ouvert des syndicats, pour faire passer cette politique. Mais il n'est pas dit que les travailleurs d'Italie, qui ont déjà supporté cette politique pendant des années, sous Prodi, puis sous Berlusconi, soient prêts à accepter cela sans rien dire.