Des sociétés publiques au «tout financier»02/03/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/03/une1961.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Des sociétés publiques au «tout financier»

La fusion annoncée de Suez avec Gaz de France n'est qu'une de ces nombreuses recompositions (rachats, OPA, etc.) des nouveaux trusts privés de l'électricité et du gaz. Nouveaux parce qu'ils sont tous, ou peu s'en faut, apparus à la fin du siècle précédent.

Cela s'est fait avec le mouvement de dérégulation et de privatisation des compagnies européennes de l'électricité et du gaz qui étaient auparavant le plus souvent nationales ou sous contrôle des collectivités locales. La dérégulation a introduit la concurrence entre sociétés européennes, qu'elles soient publiques ou privées, dans chacun des marchés nationaux, français, allemand, italien, etc. La privatisation, totale ou partielle, s'est faite en même temps ou dans la foulée.

Ces deux mouvements, dérégulation et privatisation, avaient pour objectif déclaré par les autorités européennes et nationales, de faire baisser les tarifs de l'énergie. C'était un gros mensonge, car c'est exactement l'inverse qui s'est produit. Le prix du gaz indexé sur le pétrole s'est envolé. Et pas seulement celui du gaz d'importation de Russie, de Norvège (qui ne fait pas partie de l'Union européenne) ou autre, mais y compris pour les gisements de l'Union européenne qui se trouvent en mer du Nord ou aux Pays Bas.

Quant à ceux de l'électricité, sans la moindre justification ceux-là, ses prix en ont fait autant. Certes, cela ne se voit pas encore trop en France, car la grande masse des consommateurs ordinaires est protégée, jusqu'en 2007, par des tarifs fixés par l'État. En revanche les gros consommateurs subissent des hausses énormes. Et cela y compris en France, où la production électrique est pourtant excédentaire. Mais au lieu que ce soit EDF qui fasse pression à la baisse sur ses concurrents, c'est l'inverse qui s'est produit: EDF s'est alignée sur les prix européens. Et il n'y a rien à dire: cela fait partie du «libéralisme» tant vanté!

Le secteur de l'énergie est devenu une mine d'or. Jamais, par exemple, les bénéfices de Gaz de France ou d'EDF n'ont été aussi importants. Et ce n'est probablement qu'un début, car la hausse des prix n'est pas près de s'arrêter.

Du coup, le monopoly capitaliste fonctionne à plein régime. Dès avant sa privatisation EDF a racheté à tout va des compagnies fraîchement privatisées à l'étranger, notamment en Europe. Mais pendant le même temps Suez-Lyonnaise des Eaux a fait l'acquisition d'Electrabel (électricité de Belgique, avec des centrales nucléaires) puis a obtenu pour presque rien les centrales hydrauliques de la Compagnie nationale du Rhône jusque-là liées à EDF. La société espagnole Endesa s'est emparée de la SNET qui possède des centrales hydrauliques en France. Et voilà maintenant que le géant allemand E.On veut s'emparer d'Endesa, après avoir absorbé Ruhr-Gaz.

Ce ne sont que quelques épisodes de la longue saga des gros requins avalant les plus petits de façon à ce qu'il ne reste plus en Europe qu'une demi-douzaine de groupes. Et avec cette poignée de monopole, plus que jamais les ententes sur les tarifs seront faciles à réaliser, et plus que jamais les usagers seront facilement tondus.

Au temps des compagnies nationales, le service public était déjà en grande partie illusoire car le système fonctionnait avant tout au profit du patronat. Mais maintenant, c'est ouvertement la logique financière qui prime. Il s'agit de constituer de gros groupes afin de faire de gros bénéfices. Et d'ores et déjà, des voix se font entendre pour signaler qu'on n'investit pas assez dans les centrales électriques nouvelles, ce qui risque de provoquer d'ici quelques années des pénuries et, par conséquent, des hausses vertigineuses de prix.

Partager