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Tribune de la minorité
Trois semaines pour préparer le 7 mars!
Le Contrat première embauche a été adopté par l'Assemblée nationale dans la nuit du 8 au 9février, par une poignée de députés de droite contre une demi poignée de députés de gauche. De toute manière, députés présents ou pas, le Parlement compte pour du beurre. C'est Villepin lui-même qui l'a signifié en imposant finalement son projet de loi, par le 49.3. Les jeunes ont intérêt à s'en souvenir quand on leur fera le coup, sans doute sous peu, qu'il n'y a plus rien à faire contre les CPE ou autres CNE sous prétexte qu'ils sont passés dans la loi.
À gauche?
La gauche a pourtant bruyamment dénoncé le «coup de force permanent» du Premier ministre, et les députés socialistes ont aussitôt annoncé la riposte... en invoquant le 49.2, un autre truc constitutionnel permettant de prolonger malgré tout des débats qui n'ont aucune portée!
La méthode de Villepin révèle, c'est vrai, le caractère de farce de la «démocratie» bourgeoise. Mais le tapage des socialistes sert surtout à tenter de mettre en valeur le rôle des élus s'agitant dans un hémicycle censé être l'arène principale de la lutte politique. Avec pour objectif de tirer de l'histoire une morale électorale que François Hollande a résumé ainsi: «Soyons réalistes, le texte va passer. Le travail d'explication que nous engageons trouvera son dénouement non dans la rue mais dans les urnes, en 2007.»
Défaitistes et opportunistes, alors, les chefs de la gauche? Pas seulement! Il ne faut pas gratter beaucoup pour voir que les éléphants qui se bousculent sur le chemin du pouvoir n'ont pas grand-chose à reprocher sur le fond aux mesures qu'ils dénoncent aujourd'hui. Comme l'écrit le journal Le Monde daté du 9février, tous les ténors du PS «ont intégré l'idée que, pour des jeunes sans qualifications, [...] le CDI n'était plus la norme ». Qu'il s'agisse du «contrat de formation» proposé par Hollande, du «contrat sécurité formation» de Fabius, du «plan de formation par alternance» par Stauss-Kahn, les «projets alternatifs» que proposent les responsables socialistes ne se distinguent du CPE que pour se rapprocher des emplois-jeunes de feu le gouvernement Jospin, qui avaient en leur temps introduit le principe des «CDI à durée déterminée!». Et tous ont en commun de prévoir de nouveaux cadeaux fiscaux aux patrons... et d'accepter la précarité. Ségolène Royal ne déparait donc pas dans la brochette quand elle a fait l'éloge de Tony Blair parce qu'il avait, selon elle, «obtenu de vrais succès en recourant à plus de flexibilité».
Dans les syndicats?
Loin des mesquineries parlementaires et des faux combats du PS, le CPE n'en a pourtant peut-être pas fini avec la contestation réelle, celle de la rue. La journée de manifestations du 7février, qui aurait regroupé plus de 200000 manifestants selon la police elle-même, n'a pas été un raz-de-marée, mais ça n'était pas non plus l'échec, loin s'en faut. Et depuis se développe une certaine mobilisation étudiante, dans des villes comme Rennes, Toulouse ou Lyon notamment. Le mouvement reste à construire, mais la mobilisation est déjà suffisante pour que la question de la suite soit posée. La meilleure preuve en est que les directions syndicales se sont décidées à proposer une nouvelle journée nationale d'action pour les salariés et la jeunesse, le 7 mars.
Le secrétaire de la CFDT François Chérèque a pourtant prévenu: «l'action ne s'inscrit pas dans le court terme. Il ne faut pas se précipiter.» On n'est pas surpris: la précipitation, ça n'est pas vraiment ce à quoi Chérèque et ses amis des autres confédérations nous avaient habitués ces derniers temps, eux qui avaient mis 6 mois à prévoir une suite à la journée, réussie celle-là, du 10 mars 2005... en laissant entre temps sans réagir passer le CNE!
Mais l'important maintenant est que on puisse faire du 7 mars un objectif qui pourra rassembler dans la rue à l'échelle de tout le pays tous les adversaires de la précarité, les jeunes et les travailleurs. Cela laisse au moins le temps à tous ceux qui le veulent vraiment -militants et organisations- de mener un vrai travail de mobilisation dans les entreprises comme dans la jeunesse... et à cette date, l'ensemble des lycéens et étudiants seront revenus de vacances.
Surtout dans la rue!
Car dans l'immédiat, c'est bien la jeunesse qui peut faire monter la pression. Si l'ensemble des universités, des lycées généraux comme professionnels (où se trouvent les jeunes les plus immédiatement menacés par les projets Villepin) rejoignaient, d'ici le 7 mars, ceux déjà en pointe dans la grève et les manifestations, le destin du CPE aurait de plus en plus de chances de ressembler à celui du CIP, ce «smic-jeunes» proposé par Balladur en 1994 et remballé deux mois et demi après que le Parlement l'ait voté.
Lors des manifestations de la jeunesse de ces derniers jours, on a pu lire ce panneau: «Villepin, t'y croyais pas, mais on est là!». Il reste beaucoup à faire pour que ça soit vrai, mais c'est bien cela que les militants peuvent viser, et doivent préparer!
Benoît MARCHAND
Convergences Révolutionnaires n° 43 (janvier-février 2006)
Bimestriel publié par la Fraction
Dossier: La crise permanente du logement.
Articles: Une année sans élections... - Le mythe de la «police de proximité» - SNCM, RTM, SNCF: les grèves torpillées de 2005 - Bosch, Fenwick: l'allongement du temps de travail - Des CCP à la banque postale: la privatisation en marche - Belgique: attaque contre les préretraites - États-Unis: Une nouvelle centrale syndicale - Iran, Irak: le mouvement ouvrier et communiste sous le feu.
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