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Polynésie : Les dégâts des essais nucléaires français
Pendant huit ans, de 1966 à 1974, l'armée française se livra sur les atolls de Mururoa et de Fangataufa en Polynésie, à quarante-six essais nucléaires à l'air libre.
Pour de Gaulle, alors président de la République, il s'agissait de maintenir la France au rang des grandes puissances, en la dotant d'une force de frappe nucléaire qui, ce n'était pas le cadet des soucis des gouvernants, permettrait au passage d'enrichir certains industriels français.
Des essais nucléaires furent donc organisés, au Sahara d'abord, jusqu'à l'évacuation en 1967 de la base de Reggane, et sur deux atolls de Polynésie.
Soucieux de tranquilliser l'opinion et la population locale, les gouvernements successifs ne cessèrent d'affirmer que ces essais seraient sans conséquences nocives. Ce qui était bien évidemment faux. Le ministère de la Défense nationale a dû reconnaître, du bout des lèvres, cinq retombées radioactives "intempestives" sur des îles habitées, les îles Gambier en 1966 et 1971, Tureia en 1967 et 1971, et Tahiti en 1974.
Une commission d'enquête de l'assemblée de Polynésie française assistée de scientifiques a, dans ses conclusions, montré que les conséquences ont été bien plus vastes et que l'État français continue "à dissimuler des preuves accablantes pour lui" entravant "la recherche de la vérité" et "la réparation des préjudices lui incombant".
Déjà, d'après un rapport militaire confidentiel datant de 1967, le premier tir d'essai nucléaire effectué en juillet 1966 aurait provoqué des retombées radioactives sur l'ensemble de la Polynésie, un archipel aussi vaste que l'Europe. "Il n'est pas exagéré de penser que des retombées ont eu lieu sur Tahiti (80% de la population polynésienne y réside) lors de chaque tir aérien", ce qui n'a pas manqué de "provoquer un problème de santé publique majeur", souligne la commission d'enquête.
Par exemple, le nombre de cancers de la thyroïde serait trois à quatre fois plus fréquent chez les hommes et dix fois plus fréquent chez les femmes que dans des îles voisines comme Hawaii. Il en va de même pour la leucémie.
Le ministère de la Défense nationale se proposerait de publier vers la fin de l'année un rapport complet "sur les aspects radiologiques des essais nucléaires" et l'Assemblée polynésienne pourrait demander au Parlement français l'étude d'un projet reconnaissant "le principe de présomption", ce qui permettrait d'indemniser les victimes de ces essais.
Ces indemnisations, dans le meilleur des cas, surviendraient plus de quarante après les faits. L'État n'est-il pas en train de "jouer la montre", attendant qu'il n'y ait plus personne de vivant à indemniser?