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Editorial
Villepin offre de la main-d'oeuvre jeune et à bon marché aux patrons
Le chef du gouvernement a présenté lundi 16 janvier à la presse les nouvelles mesures qu'il compte appliquer dans ce qu'il appelle pompeusement la "bataille pour l'emploi". Passons sur ces entretiens mensuels à l'ANPE destinés aux chômeurs jeunes, comme si c'était une solution. Mais l'essentiel du dispositif réside dans ce que Villepin a appelé le "contrat premier emploi".
Il s'agit tout simplement d'appliquer aux moins de 26 ans l'équivalent du "contrat nouvelles embauches", en les appliquant à toutes les entreprises, et plus seulement à celles qui comptent moins de vingt salariés. Il y aura là aussi une période d'essai de deux ans (hypocritement baptisée "période de consolidation"), pendant laquelle l'employeur pourra à tout moment licencier les salariés concernés sans avoir à fournir le moindre motif. Le préavis sera limité à quinze jours... mais l'État promet de verser au jeune licencié une indemnité de 460euros de rupture de contrat pendant deux mois. Autrement dit, ce n'est pas l'employeur licencieur qui aura à supporter les frais de ce licenciement!
En outre, les patrons qui signeront ces contrats "première embauche" se voient offrir trois ans d'exonération totale de charges sociales. "C'est un vrai chèque offert aux employeurs", s'est vanté le ministre des Finances, Thierry Breton, en répondant aux questions des journalistes. Un "vrai chèque", un cadeau, sans aucun doute. Mais tiré sur le compte de qui? Sur celui des Assédic, de la Sécurité sociale, dont les rentrées vont diminuer d'autant, car l'État ne compense jamais entièrement ces largesses faites au patronat. Et après cela, on prétendra une fois de plus que, face au "gouffre abyssal" de la Sécurité sociale, il faut bien "pour la sauver" diminuer encore les remboursements; que face au déficit des Assédic il faut bien aussi diminuer le montant et la durée des indemnités de chômage.
"Il n'est pas question pour moi de prévoir une rémunération inférieure pour les jeunes embauchés en CDI", a proclamé Villepin. Comme si son "contrat premier emploi" était un vrai CDI. Mais face au scandale de la multiplication des stages de longue durée, non rémunérés, Villepin a décidé qu'au-delà de trois mois (de travail éventuellement non payé), les stagiaires devront bénéficier d'une indemnité de... 360euros par mois! Autrement dit, contrairement à ce que dit Villepin, le gouvernement s'apprête à légaliser dans les entreprises l'utilisation d'une main-d'oeuvre jeune largement sous-payée.
À écouter Villepin, nos gouvernants manquent décidément beaucoup d'imagination, car depuis plus de vingt ans, tous les gouvernements ont prétendu lutter contre le chômage en offrant au patronat des réductions de charges sociales... que celui-ci empoche évidemment, mais sans créer un seul emploi supplémentaire.
Mais en fait, ces gens-là n'y croient pas eux-mêmes. Ils jouent simplement leur rôle dans l'offensive menée depuis des années par le patronat contre les travailleurs, afin d'augmenter ses profits au détriment des revenus des travailleurs.
Les gouvernants n'osent pas, ou du moins pas encore, prendre des mesures pour réduire directement les salaires. Mais les exonérations de charges sociales constituent une diminution de cette partie du salaire différée qui permet de financer la Sécurité sociale, les retraites et les indemnités dues aux chômeurs. C'est le patronat qui en profite, et c'est le monde du travail qui en fait les frais.
Les gouvernements qui se disaient de gauche ont d'ailleurs mené sur ce plan la même politique que ceux de droite, ne serait-ce par exemple qu'en décidant 15 milliards d'euros annuels d'aides au patronat sous prétexte de compensations pour les trente-cinq heures, et 10 milliards d'euros en réduction de la taxe professionnelle. C'est pourquoi tous ceux qui nous affirment que la seule solution, pour les travailleurs, c'est d'attendre 2007 et alors de bien voter, nous trompent.
Aucune élection ne nous évitera d'avoir à lutter et à généraliser nos luttes pour mettre un coup d'arrêt aux attaques contre notre niveau de vie.