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Leur société
Subventions publiques aux entreprises : Circulez, il n'y a rien à voir!
En septembre 2005, lorsque Hewlett-Packard avait annoncé 1240 suppressions d'emplois en France, la colère et l'indignation avaient été vives. D'autant plus que ce trust de l'informatique, largement bénéficiaire, avait touché des aides publiques lors de son extension dans la région grenobloise.
À l'époque, Dominique de Villepin avait déclaré: "Il serait normal que HP rembourse les aides publiques spécifiques dont le groupe a pu bénéficier. Chacun a un devoir vis-à-vis de la collectivité: ceux qui reçoivent des aides publiques doivent respecter les obligations qui les accompagnent."
Mais ces déclarations radicales n'ont pas débouché sur le blocage des comptes de HP ou sur d'autres mesures contraignantes. Simplement Matignon a diligenté une étude "d'évaluation de l'utilisation et l'efficacité des aides publiques accordées aux entreprises". Le Conseil d'orientation pour l'emploi chargé de cette étude, nouvel organisme de cinquante membres, composé de parlementaires, de représentants des collectivités, de syndicalistes, vient d'en rendre les résultats publics.
Principales conclusions: "Il apparaît que les aides aux entreprises constituent aujourd'hui un champ vaste, mal connu et peu évalué. Il n'existe à ce jour aucun recensement exhaustif des aides publiques attribuées en France. Cette opacité des aides publiques est d'autant plus problématique que les montants alloués sont considérables." Le rapport estime à 3,5% du PIB le montant des aides publiques, soit 60 milliards d'euros par an.
Des centaines de dispositifs existent pour subventionner les entreprises -le rapport fait même état de 2550 possibilités! Tous les ministères et toutes les collectivités locales multiplient les aides sous tous les prétextes possibles: formation, reconversion, recherche et innovation, exportation, protection de l'environnement, etc. Dans ce domaine, l'imagination est au pouvoir!
Quelques subventions nationales sont connues et leurs montants estimés. Par exemple, les dispositions prises par les gouvernements de gauche et de droite sous prétexte de compensations pour le passage aux 35 heures se montent à 15 milliards par an. Les réductions de la taxe professionnelle atteignent 10milliards d'euros par an. Les allégements de cotisations sociales patronales sous prétexte de favoriser l'embauche de bas salaires atteindront 140 milliards en dix ans, dont 19 milliards prévus en 2006. Mais même pour ces dispositifs d'État, le rapport reconnaît "qu'aucun contrôle sérieux et global n'a été fait sur l'utilisation des subventions et leur efficacité pour créer des emplois".
Enfin, à propos du remboursement des aides publiques par les entreprises qui licencient et délocalisent, le rapport du Conseil d'orientation pour l'emploi estime "qu'il serait délicat d'exiger des remboursements. Car il n'existe aucune donnée statistique permettant d'apprécier l'ampleur et la réalité des comportements déloyaux [des entreprises] et la puissance publique n'est pas en mesure de garantir le respect des remboursements".
Donc, les Hewlett-Packard et les autres peuvent continuer à supprimer des emplois, l'État ne leur demandera aucun remboursement. Et après ce rapport téléguidé, Villepin peut refermer le dossier et continuer d'engraisser les entreprises avec l'argent public.
Quant à Laurence Parisot, la présidente du Medef, elle vient de déclarer, sans rire: "Je revendique au nom du Medef le droit à une France lisible, c'est une exigence démocratique première." Oui, ce serait une exigence que les travailleurs puissent contrôler les comptes du patronat que préside MmeParisot, et puissent voir ce que ces gens-là font de l'argent qu'ils gagnent sur le dos des travailleurs et de la collectivité.