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Dans le monde
Le "Dakar" : Le rallye de la honte
Le 18e rallye "Dakar", autrefois appelé "Paris-Dakar" parce qu'il partait de Paris, a encore fait trois victimes cette année. En Guinée, un enfant de 12 ans a été fauché par un bolide qui déboulait d'une dune de sable à plus de 130 km/h. Un autre, de 14 ans, a été écrasé par un véhicule d'assistance au Sénégal. Enfin un motard n'a pas survécu à une chute de son engin lancé à toute vitesse. Tous sont morts victimes de ces prétendus exploits sportifs que les télévisions retransmettent avec force moyens tous les soirs et dont les commentateurs nous vantent la "beauté". Leurs noms viennent s'ajouter à la sinistre liste de la cinquantaine de personnes tuées depuis le premier "Paris-Dakar" en 1978.
Comme chaque année, les organisateurs y sont allés de leurs regrets hypocrites. Le vainqueur de l'édition 2006, Luc Alphand, a déploré les morts en souhaitant toutefois que "cela ne gâche pas la fête". Quant au ministre des Sports du Sénégal, il a déclaré que "ces drames sont dans la limite de l'acceptable même s'ils sont regrettables", pendant que le président du même pays considérait que le rallye est une "très bonne chose".
Oui, c'est sans doute même une bonne affaire pour les télévisions qui couvrent l'événement et font payer cher les spots publicitaires ou pour les vedettes du show-bizz et de la jet-set qui viennent faire parler d'eux faute de parler de leurs exploits sportifs. Comme d'ailleurs pour les constructeurs des motos, voitures et autres camions qui viennent tester leurs prototypes et espèrent vendre un peu plus de 4 x 4.
Mais pour les populations des régions traversées, le "Dakar" n'a pas la moindre retombée, autre que les morts qu'il cause au passage. D'abord parce que cette caravane publicitaire qui compte plus de 700 participants et dont le camp de toile, chaque soir, est une vraie petite ville, n'apporte absolument rien aux pays traversés: tout ou presque est amené par avion et quasiment rien n'est acheté sur place. Après leur départ il reste les barquettes alu vides et les canettes abandonnées, quand ce ne sont pas les carcasses de motos et de voitures accidentées laissées sur place dans cette Afrique que les organisateurs considèrent comme une poubelle. Dans ces pays où vivent les populations les plus pauvres de la planète avec l'équivalent de moins d'un dollar par jour, l'étalage des moyens mis en oeuvre pour cette course-spectacle est une véritable provocation.
En 1978 déjà l'écologiste René Dumont déclarait que cette course était "indécente". Près de trente ans après, alors que l'Afrique noire s'est encore plus enfoncée dans la misère et le sous-développement, saignée aux quatre veines par le système capitaliste, cet adjectif reste complètement d'actualité.