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- Lutte ouvrière n°1953
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Dans les entreprises
Fenwick-Linde - Cenon-sur-Vienne (Vienne) : Comment les patrons ont liquidé les 35 heures
Cela faisait des mois que la direction de Fenwick, qui emploie 560 salariés à la construction de chariots élévateurs dans son unité de Cenon-sur-Vienne, voulait à toute force imposer une réduction de 15% de la masse salariale. En juillet dernier, lors d'un référendum organisé par les patrons, les ouvriers avaient massivement rejeté un plan qui prétendait non seulement augmenter la durée hebdomadaire du travail de deux heures et demie et supprimer neuf jours de RTT, mais aussi remettre en cause le paiement de la demi-heure de pause et augmenter les cadences.
Pas soucieux de l'avis des salariés au point de s'incliner devant le résultat d'un vote, les patrons sont donc revenus à la charge en adressant à chaque salarié un avenant au contrat de travail qui reprenait en substance les mêmes propositions, assorties d'un chantage au licenciement en cas de refus.
La direction a également fait donner les syndicats acquis à sa cause, la CGC et FO en l'occurrence. Le syndicat FO tout nouvellement créé par l'ex-représentant CGT du second collège, en désaccord avec l'opposition de son syndicat d'alors au plan des patrons, a exhorté les travailleurs de Fenwick: "Soyons responsables, et comme les salariés de Reutlingen, de Hambourg, d'Aschaffenburg et de Montataire, nous devons adhérer au projet de Linde pour donner à Cenon l'avenir qu'il mérite avec les investissements promis... Dans le cas contraire, ce seront 100 licenciements en 2007, et 120 ensuite, sans compter les pertes de production annexes liées au surcoût du taux horaire qui serait alors plus favorable à Montataire et à nos concurrents..." Relayant la menace patronale, ce curieux syndicaliste ajoutait: "Courant janvier 2006, un plan social sera présenté. Si toutes les procédures se passent normalement (sic), ceux qui ont refusé l'avenant seront licenciés, ainsi que les seniors..."
La pression fut telle que 362 des 551 salariés consultés (soit 66%) ont, d'après les patrons, accepté l'avenant, tandis que 65 le refusaient et que 124 choisissaient de ne pas répondre.
Mais comme, à Cenon-sur-Vienne, la CGT est majoritaire et qu'avec SUD elle ne voulait pas approuver l'avenant, il fallait encore la faire céder. Les patrons y sont malheureusement parvenus en mobilisant les cadres, les chefs, et les syndicalistes à leur botte. Le 22 décembre, un rassemblement de tout ce beau monde s'est formé dans l'usine, grossi de quelques dizaines d'intérimaires auxquels les chefs ne laissèrent pas le choix. Pendant trois heures, ils soumirent les délégués CGT à un véritable siège, jusqu'à ce que ces derniers cèdent, et signent.
Le délégué syndical CGC a salué ce qu'il pense être "la mort d'un syndicalisme de revendication" et "l'union sacrée qui permettra d'assurer la pérennité du site de Cenon et donc de nos emplois". Un cadre a même adressé un long courrier au quotidien local pour expliquer que "oui, j'ai perdu les 35 heures et je vais travailler 37 h 30. Oui, j'ai perdu 12 jours de RTT. Et alors? J'ai travaillé jusqu'à 45 heures, voire plus, par semaine. Nous ne sommes pas à la SNCF, GDF, RATP, ni à la SNCM..."! Chacun chez soi en somme, et chacun attaqué à tour de rôle par un patronat de plus en plus arrogant, qui accroît l'exploitation pour augmenter des profits déjà florissants. Mais les sacrifices d'aujourd'hui, pour certains consentis et pour la majorité imposés, n'empêcheront évidemment pas la suppression des emplois si demain les patrons le jugent bon pour leurs profits. Et contrairement à ce que disent de prétendus syndicalistes, c'est ensemble, que les travailleurs de Fenwick, de la SNCF, de l'EDF et d'ailleurs seront en force pour dire: ça suffit!