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Rwanda : La complicité de l'armée française dans le massacre
Le procureur du tribunal aux armées de Paris (TAP) -seul habilité à juger les crimes et délits commis par des soldats français au cours d'opérations- a ouvert une information judiciaire pour "complicité de génocide". Cette décision fait suite à la plainte déposée en février dernier par six Rwandais accusant les soldats français d'avoir prêté main forte aux massacreurs lors de l'opération "Turquoise" en 1994.
Et cela, bien que la ministre des Armées Alliot-Marie ait tout fait pour bloquer la procédure, déclarant encore le 9 décembre qu'"il est inadmissible que des militaires français puissent être accusés de cette façon et de choses qui la plupart du temps sont farfelues".
En 1994, l'attentat contre le président rwandais d'origine hutu, Juvenal Habyarimana, avait été l'élément déclenchant d'un massacre préparé de longue date par les éléments les plus extrémistes de l'armée et du pouvoir hutus. Ces derniers avaient alors procédé à l'arrestation puis à l'élimination systématique des Hutus modérés et de la minorité Tutsie, faisant près de 800000 morts entre avril et août 1994. Aujourd'hui, plus personne n'ose contester le rôle criminel de la France, présidée par le "socialiste" François Mitterrand et gouvernée par Edouard Balladur, dans l'armement et l'instruction de l'armée rwandaise, principal instrument de ce massacre.
Après s'être substitué à l'ancienne puissance colonisatrice belge, l'Etat français a soutenu l'une des dictatures les plus sanglantes de cette région d'Afrique centrale, tout au long des années 1990. À l'époque, tous les gouvernements, "socialiste" ou de "droite", ont donné leur feu vert à l'armée française pour encadrer, entraîner, instruire et équiper une armée de plusieurs dizaines de milliers d'hommes au Rwanda. Entre 1990 et 1994, l'état-major français a même fourni une doctrine antiguérilla et une idéologie raciste à toute une clique de soudards, baptisée "Forces armées rwandaises", mettant ainsi en place les mécanismes du futur génocide.
Une fois ce dernier en marche, le gouvernement français n'a eu de cesse de protéger ses alliés. Le gouvernement Mitterrand-Balladur a apporté son soutien financier et politique à la dictature rwandaise, recevant à l'Elysée ses émissaires au plus fort des massacres. Enfin les généraux de l'état-major ont mis en place, en juin 1994, l'opération "Turquoise", avec la caution de l'ONU. Derrière la création d'une "zone humanitaire sûre", il s'agissait en fait de protéger la retraite des débris de l'appareil d'Etat et des forces armées rwandaises, en pleine débandade face à l'avance des armées rebelles de Paul Kagamé. Un "partage des tâches" en quelque sorte!
Sous couvert de cette prétendue "mission humanitaire", l'armée française a même, selon les témoignages de ces six survivants, participé directement aux massacres. Ainsi, les soldats français ont laissé entrer les génocidaires hutus dans le camp de réfugiés tutsis de Murambi qu'ils étaient censés protéger. Ils ont obligé les réfugiés désignés par les milices hutues à sortir du camp, où ils furent immédiatement massacrés. Dans les collines du Bisesero, les militaires français sont restés trois jours sans intervenir, permettant aux miliciens de massacrer la quasi-totalité des rescapés. Ailleurs, ils ont violé des femmes tutsies, voire directement participé aux massacres de réfugiés.
Onze ans après, la justice ouvre enfin un dossier. Sera-ce comme pour la guerre d'Algérie où, un demi-siècle plus tard, tueurs et tortionnaires galonnés n'ont jamais été condamnés, pas plus d'ailleurs que leurs pareils pour tous les autres crimes du colonialisme français?