Irak : Après les élections du 15 décembre, les milices armées détiennent toujours le pouvoir22/12/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/12/une1951.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Irak : Après les élections du 15 décembre, les milices armées détiennent toujours le pouvoir

Les élections parlementaires qui se sont déroulées le 15 décembre en Irak ont été saluées, une fois de plus, avec une autosatisfaction indécente par les capitales occidentales. À les entendre, ces élections marqueraient un "nouveau progrès de la démocratie". Et cela d'autant plus qu'une grande partie des forces qui s'étaient tenu à l'écart du précédent scrutin, en janvier dernier, voire l'avaient boycotté, présentaient des candidats cette fois-ci.

Mais à en juger par les mesures de sécurité prises, ni les autorités d'occupation, ni le gouvernement irakien ne partageaient ce bel optimisme. Sinon, pourquoi le couvre-feu aurait-il été renforcé dans les jours précédant le vote? Pourquoi 13000 blocs de bétons auraient-ils été disposés à Bagdad pour empêcher toute circulation dans les rues? Et pourquoi aurait-on été jusqu'à interdire aux Irakiens de sortir de leur province de résidence ce jour-là?

D'ailleurs, la plupart des partis sunnites, dont les dirigeants occidentaux saluent la participation à ces élections avec tant de satisfaction, ne sont-ils pas liés à des groupes armés qui, eux, ne font aucun mystère de leurs intentions? Et ils en ont fait la démonstration dès la fin de la trêve de trois jours qu'ils avaient déclarée pour le vote, avec une série d'attentats qui ont causé la mort de 17 Irakiens en moins de 48 heures.

Car rien n'interdit aux factions rivales en lutte pour le pouvoir d'avoir deux fers au feu -d'un côté les méthodes de la lutte armée, pour imposer leur dictature par la terreur à la population, et de l'autre, celles du parlementarisme, pour accéder à la mangeoire de l'État, aussi maigre soit-elle, et se constituer ainsi une clientèle politique.

N'est-ce pas justement ce que font les principaux partis chiites au pouvoir depuis un an? Loin d'être des partis "parlementaires", ceux-ci sont les ailes politiques de milices nombreuses et sur-armées. C'est ainsi que la milice Badr, liée au Conseil Suprême de la Révolution Islamique, l'un des deux grands partis au pouvoir, est responsable de la plupart des enlèvements et exécutions sommaires d'opposants dans la région de Bassorah. Quant au ministre de l'Intérieur, censé imposer le respect de la "démocratie", c'est justement l'un des dirigeants de cette même milice Badr et il vient d'être pris la main dans le sac, suite à la découverte de prisons clandestines où ses services retenaient et torturaient des "suspects" sans autre forme de procès.

Or les résultats partiels concernant les élections du 15 décembre dont on dispose semblent indiquer que ce sont justement les courants les plus intégristes et les plus liés aux milices armées, qui marquent le plus de points. Côté sunnite, la coalition formée autour d'un parti intégriste, le Parti Islamique Irakien, obtiendrait près de 20% des voix à Bagdad -qui élit plus d'un cinquième des députés- et serait en première position à Mossoul comme à Fallouja.

Côté chiite, l'Alliance Irak Unie chiite au pouvoir se serait renforcée dans le sud chiite, ce qui n'est pas une surprise, d'autant qu'elle bénéficiait cette fois de l'appui de l'appareil d'État. Même à Bagdad, l'Alliance arriverait en tête avec près de 60% des voix, contrairement à certaines prédictions. Mais ce qui est peut-être plus significatif encore, c'est que le rapport des forces au sein de l'Alliance aurait changé. Elle serait désormais dominée à part égale par le Conseil Suprême de la Révolution Islamique et par les "Sadristes" -les partisans de l'imam Moqtadah al-Sadr et de son "armée du Mahdi" qui étaient restés à l'écart des élections jusqu'alors.

Si ces résultats se confirment, le nouveau pouvoir serait entièrement contrôlé par les deux principales milices intégristes chiites. Non seulement cela laisse présager une surenchère du côté des milices sunnites, cherchant à s'appuyer sur le sentiment de marginalisation de cette minorité, mais rien ne dit que la cohabitation gouvernementale empêchera les deux milices chiites de continuer à se livrer à une violente guerre de position dans le pays, voire à se livrer à une escalade, pour éliminer le dernier obstacle sur le chemin du pouvoir.

Autant dire qu'après comme avant ces élections, la population irakienne restera un otage dans les luttes sanglantes que se livrent ces factions rivales dont les appétits de pouvoir ont été déchaînés par l'invasion occidentale.

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