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Leur société
Le rôle de la gauche : Un long palmarès de colonialistes
«Nous avons manqué de vigilance lors du vote» de la loi du 23 février 2005 («portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés»), a avoué Jean-Marc Ayrault, le président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale.
Est-ce vraiment un «manque de vigilance», comme le dit Ayrault, ou la conséquence d'une fâcheuse tradition? Car il y a longtemps que le Parti Socialiste a cessé de s'opposer au colonialisme, en particulier au colonialisme français.
Il faut se souvenir en effet de l'attitude qui fut celle du Parti Socialiste, qui s'appelait à l'époque la SFIO, lorsqu'en 1925 il appuya l'intervention militaire française contre les insurgés marocains du Rif espagnol. En 1936, le gouvernement de Front Populaire, dirigé par le socialiste Léon Blum, qui avait le soutien du Parti Communiste, se garda bien de toucher si peu que ce soit aux intérêts des gros colons et maintint en Algérie le code de l'indigénat, qui soumettait la population algérienne à un arbitraire total. Les nationalistes algériens furent pourchassés. Ce fut à cette époque-là, en 1937, que leur dirigeant Messali Hadj fut emprisonné et que son organisation, l'Étoile Nord-Africaine, fut interdite.
Quelques années plus tard, en 1945, socialistes et communistes étaient au gouvernement lorsque la police et l'armée française menèrent une répression sanglante dans la région de Guelma et de Sétif en Algérie. En 1947, sous la présidence de la République du socialiste Vincent Auriol et tandis que Ramadier, un autre socialiste, était président du Conseil, la guerre contre le peuple indochinois s'intensifia. De la même année 1947 date la sanglante répression de l'insurrection de Madagascar. En 1955, François Mitterrand, alors ministre de l'Intérieur mais pas encore socialiste, déclarait: «L'Algérie, c'est la France» et «La seule négociation, c'est la guerre». Devenu ministre de la Justice en 1956, il refusa de donner un avis favorable à la grâce de Fernand Yveton, militant du Parti Communiste Algérien, qui fut condamné à mort et guillotiné le 11 février 1957, pour avoir posé une bombe qui n'avait même pas explosé. En mars 1956, les pouvoirs spéciaux avaient été votés, par l'ensemble des députés socialistes et communistes, au dirigeant socialiste Guy Mollet. Cela se traduisit par l'envoi massif du contingent en Algérie et par les pleins pouvoirs sur place à l'armée, c'est-à-dire à Massu, Bigeard et Aussaresses. Nombre de jeunes de l'époque doivent à Guy Mollet et à ceux qui s'en firent les complices d'avoir passé jusqu'à trente mois de leur vie dans cette sale guerre. Parlant des opérations militaires contre la population, Lacoste, ministre résident en Algérie et lui aussi socialiste, osait prétendre que «l'armée française est une armée de pacification».
La liste est longue des opérations coloniales de l'impérialisme français menées avec le soutien des partis de gauche et, chaque fois qu'ils ont été au gouvernement, avec leur participation active. Aujourd'hui, l'empire colonial français s'est effondré, mais pas l'emprise des capitalistes français sur l'économie des ex-colonies, ni même l'influence politique de la France sur les régimes qui se sont mis en place après l'indépendance et qui sont pour l'essentiel des régimes de dictature contre les peuples.
Le texte de loi incriminé témoigne de la façon dont les traditions colonialistes imprègnent toujours nombre de politiciens et la partie de l'électorat à laquelle le vote de ce texte est destiné.