Contrats franco-chinois : Profits en vue pour Airbus07/12/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/12/une1949.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Contrats franco-chinois : Profits en vue pour Airbus

Arrivé le 4 décembre en France, le Premier ministre chinois, Wen Jiabao, a en quelques heures signé avec les grands patrons de l'industrie seize contrats, accords et protocoles d'accord. Parmi ceux-ci, un gros accord avec le constructeur aéronautique européen EADS, pour la fourniture à la Chine de 150 avions Airbus A 320, rapportera plusieurs milliards d'euros. Le montant total des contrats serait de l'ordre de 10 milliards d'euros.

Une autre filiale d'EADS, Eurocopter, ne reste pas non plus les mains vides: elle a conclu avec la Chine un contrat de développement d'un hélicoptère civil léger, qui renforce le "partenariat" déjà existant pour les hélicoptères Colibri dont l'armée chinoise achète, depuis plus de dix ans, près du quart des unités fabriquées. Le PDG d'Eurocopter se félicite même de ce que la Chine deviendrait son principal client, prévoyant de lui vendre plus de 100 hélicoptères par an en prenant, sur ce plan, la place des États-Unis. Pour rester au rayon aviation, le fabricant de moteurs Safran s'est également frotté les mains d'avoir obtenu la maintenance de moteurs d'avions commerciaux.

Total n'est pas restée les mains vides, elle a obtenu du pétrolier chinois Sinochem un accord sur la création conjointe d'un réseau de stations-service dans la région de Shanghaï. Alcatel a reçu commande pour un satellite de télécommunications. Un accord financier de 150 millions d'euros a enfin été conclu pour la construction d'une ligne ferroviaire à très grande vitesse.

En contrepartie, De Villepin ne pouvait pas faire moins que de confirmer à Wen Jiabao son soutien pour plaider, conjointement avec l'Allemagne, la nécessaire levée de l'embargo européen sur les ventes d'armes à la Chine. Ce qui ne saurait manquer, au passage, d'aller droit au... portefeuille des marchands d'armes, les Matra et autres Thales.

Néanmoins, dans le concert d'autosatisfaction du grand patronat et des ministres à son service, des critiques se font entendre sur la construction en Chine, prévue par EADS d'ici quelques années, d'une usine d'assemblage d'Airbus A 320 qui serait monté sur place à partir d'éléments expédiés d'Europe. Et les commentateurs d'agiter le spectre du "transfert de technologie" qui serait le pendant obligé, le donnant-donnant, des profitables contrats empochés par les capitalistes européens. C'est l'occasion de laisser entendre qu'il pourrait y avoir une délocalisation de la production en Chine, qui menacerait l'emploi en Europe. Et c'est l'occasion aussi d'agiter le spectre de la concurrence des ouvriers chinois, moins chers et plus performants.

En fait, EADS fait déjà fabriquer en Chine certains éléments, dont une partie de la voilure de l'avion -sur les 4000 Airbus actuellement en service, la moitié sont déjà équipés de pièces chinoises-, sans que la production de l'entreprise, et encore moins ses profits, en soit affectée. De plus, assure un autre responsable de celle-ci, les besoins du marché intérieur chinois sont tellement vastes que les avions montés en Chine ne suffiront pas à les combler, à raison d'un rythme de production de quatre avions par mois, contre 32 en Europe.

Et si les travailleurs européens d'EADS ont des raisons de se méfier, ce n'est pas de la concurrence des ouvriers chinois mais de leur patron d'Airbus. La commande chinoise d'avions, en effet, représenterait à elle seule six mois de production. L'intention du fabricant, en France, est d'intensifier le rythme de travail pour passer de 28 à 32 appareils par mois. Cette augmentation de la productivité se traduirait inévitablement par une aggravation des conditions de travail des ouvriers et techniciens, en particulier des salariés des entreprises sous-traitantes.

Les travailleurs chinois, en ce qui les concerne, ne verront vraisemblablement pas leurs conditions de travail s'améliorer, car en exportant des capitaux comme des usines, les capitalistes des pays riches n'ont bien entendu en vue que le taux de rentabilité de leurs placements. Et on peut, sur ce plan faire confiance à EADS, qui prévoit de détenir au moins 51% de la future société commune issue de la construction de l'éventuelle usine chinoise d'Airbus. La surexploitation des ouvriers et ouvrières chinois, le gigantesque vivier de main-d'oeuvre que constituent les travailleurs migrants venus de l'Ouest et du Nord-Ouest, sont autant d'arguments sonnants et trébuchants qui ont déjà amplement convaincu les capitalistes, qui ont fait de la Chine, en 2004, la deuxième destination des flux de capitaux étrangers.

Au dix-neuvième siècle la Grande-Bretagne et la France inondaient la Chine de leurs produits, marine de guerre à l'appui. Aujourd'hui les pays riches, à travers leurs capitaux et leurs multinationales continuent d'écraser les populations des pays les plus pauvres, dont la Chine, par l'intermédiaire des dirigeants et des bourgeois locaux, afin d'en retirer le maximum de profit.

Les ouvriers chinois et les ouvriers européens ne sont pas concurrents; ils sont enchaînés dans le même char par des patrons qui se débrouillent pour en retirer du profit, que ce soit à Toulouse ou en Chine. Et ce qu'il faut souhaiter, c'est que les travailleurs dispersés sur plusieurs continents, trouvent le moyen d'unir leurs forces contre ces patrons et ces groupes financiers qui sont leurs patrons communs.

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