Raffarin, quand il était encore Premier ministre, avait lancé l'idée d'un curriculum vitae anonyme pour lutter contre la discrimination à l'embauche. Villepin vient de se dire favorable à sa généralisation, sans en faire une obligation.

On n'avait pas besoin d'eux pour savoir que le «délit de faciès» existe en France et que des candidats à un emploi sont écartés du fait de leur nom, de leur adresse ou de leur photo. Des chiffres officiels montrent qu'un candidat au nom à consonnance arabe a cinq fois moins de chances d'être convoqué que celui portant un patronyme français. Mais on peut être écarté aussi pour son sexe ou son âge, les mêmes études indiquant qu'un candidat de 50ans a quatre fois moins de chances d'être convoqué qu'un jeune.

Dans le CV anonyme, le candidat n'indiquerait donc plus que ses compétences et il n'y aurait ni le nom, ni l'âge, ni le sexe, ni l'adresse, ni la nationalité, et bien sûr pas de photographie. Le candidat aurait ainsi, paraît-il, plus de chances d'obtenir un premier entretien. Mais c'est là où le CV anonyme devient franchement ridicule, car qui croira qu'au cours de cet entretien le candidat ne se retrouvera pas face au même «délit de faciès»? De plus, si le CV anonyme n'est pas obligatoire, comment ne pas penser que tous ceux qui en auront envoyé un seront justement de la catégorie d'âge ou de nationalité qu'on veut écarter? Brun, frisé, basané, bridé, vieux ou femmes, s'abstenir!

Quand les patrons avaient d'importants besoins de main-d'oeuvre, ils n'hésitaient pas à la faire venir d'au-delà des frontières, pour lui faire suer du profit, et ne s'embarrassaient même pas de CV. Aujourd'hui, avec sa proposition de CV anonyme auquel il ne croit même pas, Villepin se moque ouvertement des trois millions de chômeurs et six millions de précaires.