L'ONU n'ira pas fouiner à Guantanamo23/11/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/11/une1947.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

L'ONU n'ira pas fouiner à Guantanamo

Le "rapporteur spécial" de l'Organisation des Nations Unies (ONU) qui enquête actuellement sur le centre de détention américain de Guantanamo, le juriste autrichien Manfred Nowak, a finalement renoncé à le visiter. Les conditions fixées par les États-Unis ne permettaient pas d'y intervenir en toute liberté et notamment de parler aux détenus. Ceci étant, les inspecteurs de l'ONU ont finalement pris l'option la plus satisfaisante pour l'administration Bush puisqu'ils n'y mettront même pas un doigt de pied. Les juristes bien élevés de l'ONU se consoleront en écrivant leur rapport sans avoir questionné les détenus de Guantanamo.

Les inspecteurs de l'ONU avaient fait leur demande de visite en avril 2004 et avaient dû attendre le mois de novembre de la même année pour connaître la réponse des autorités américaines: un accord "conditionnel". Mais finalement, mardi 15 novembre, les souhaits de la commission, pouvoir notamment interroger en tête à tête les détenus de son choix parmi les quelque cinq cents en détention à Guantanamo, étaient qualifiés par l'administration américaine d'"ultimatum".

Dans un premier temps, les juristes de l'ONU ont pensé faire des concessions: la présence de seulement trois juristes au lieu de cinq, et une journée d'investigation au lieu de trois, puis finalement ils ont renoncé.

Ces juristes enquêtent, en effet, sur les "graves accusations de torture, de traitement cruel, inhumain et dégradant", sur la détention arbitraire et les violations des droits faites par les États-Unis. Parmi les deux enquêteurs récusés par l'administration Bush, il y avait le rapporteur spécial de l'ONU sur le droit à la santé physique et mentale, qui avait cité des cas, à Guantanamo, de "détérioration inquiétante de la santé mentale de nombreux détenus".

Le rapporteur de l'ONU voit dans le refus de l'administration américaine de se plier aux demandes de la commission d'enquête, au moment même où les autorités chinoises viennent de l'accepter, un "signe que les États-Unis souhaitent dissimuler certaines choses à la vue du public". C'est bien le moins qu'on puisse dire concernant les détentions de Guantanamo, véritable zone de non-droit, revendiquée comme telle par les États-Unis, qui ont eu le culot de prétexter qu'à Guantanamo... les lois américaines ne s'appliquent pas, alors que c'est tout le contraire qui est vrai depuis un siècle que les États-Unis y occupent ce morceau de territoire cubain.

Les détenus de ce centre, ouvert en janvier 2002, y ont été retenus initialement sans même savoir pour quel chef d'accusation. Au départ, seule la Croix-Rouge avait le droit de les rencontrer individuellement mais, en vertu des règles internationales, elle est tenue à la neutralité et à la confidentialité sur ce qu'elle peut ainsi apprendre du sort des prisonniers!

Le 28 juin 2004, suite à l'intervention de certains juristes, les détenus ont obtenu le droit de contester leur incarcération devant les juridictions américaines, au nom du principe de l'habeas corpus. Deux cents détenus ont ainsi engagé des procédures et des avocats les représentant peuvent leur parler sans témoins, mais leurs notes doivent être remises aux autorités avant de quitter la base. Ils ne les récupèrent que quinze jours plus tard. Ainsi l'administration pénitentiaire peut se retourner contre des détenus trop critiques. Mais cette mince ouverture est encore de trop: le Sénat américain vient d'adopter un texte qui devrait mettre fin à cette possibilité de recours.

Cela n'a pas empêché un porte-parole américain de donner des leçons de "transparence" et d'"ouverture". Comme pour tout ce qui concerne la guerre en Irak, les autorités américaines nient utiliser la torture à Guantanamo. Mais priver un détenu pendant des mois de toute information sur les conditions de détention, l'interroger pendant seize heures de suite ou encore l'empêcher de dormir entre deux interrogatoires, selon ce qui se sait, qu'est-ce que c'est d'autre?

L'arbitraire ouvertement affiché par les États-Unis à Guantanamo a été un des moyens pour ceux-ci d'affirmer au monde entier que le "grand patron" du monde capitaliste s'affranchissait désormais, pour ce qui le concerne, des règles de droit les plus élémentaires. À Guantanamo, il entend agir à sa guise et en toute impunité contre des détenus emprisonnés comme "terroristes", bien souvent sans preuves.

Cet arbitraire va pouvoir continuer. Ce n'est certes pas l'ONU qui va décider d'intervenir dans ces territoires où les États-Unis se moquent comme de l'an quarante du "droit international"... si souvent invoqué contre d'autres.

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