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Dans les entreprises
Les traminots ont repris le travail : Une parenthèse dans la grève ?
Au bout de 33 jours de grève des traminots marseillais, un jugement a décrété que le motif de la grève, refuser la délégation à un groupe privé de la gestion et de l'exploitation du futur tramway, n'était pas un motif valable, et que la grève était illégale. Les traminots ont repris le travail samedi 5 novembre et décidé de se mettre à nouveau en grève vendredi 11, à l'échéance d'un nouveau préavis, s'ils n'ont pas obtenu satisfaction auparavant.
Pourtant la cinquième semaine de grève des travailleurs de la RTM s'était terminée, vendredi 4 novembre, aux cris de "tous ensemble!" sur la décision enthousiaste de continuer la grève jusqu'au lundi 7.
Ces assemblées générales dans les dépôts venaient après la manifestation chaleureuse du jeudi 3. Là, les quelque mille travailleurs de la RTM, venus avec familles et amis, retrouvaient des délégations des traminots toulousains, de la RATP, de Nestlé, de La Poste, etc. qui soutenaient leur lutte contre la privatisation rampante de la Régie.
À la veille du week-end, l'Intersyndicale n'avait obtenu aucune concession de la part du maire de Marseille, J.-C. Gaudin, qui ne voulait pas revenir, fût-ce en partie, sur son choix de donner la gestion du futur tramway à une entreprise privée, la Connex sans doute.
La détermination des grévistes paraissait inébranlable après ce mois de grève, mais ils restaient dans le cadre de l'entreprise.
J.-C. Gaudin eut recours à la justice. Il n'avait réussi à briser le mouvement, ni avec les bus de substitution, mis en place le lundi 24 octobre, ni avec ses menaces de réquisition. Après quatre semaines de conflit, il découvrait que le préavis déposé par l'Intersyndicale n'était pas valable, le motif de la grève étant politique puisqu'il ne portait pas sur des questions professionnelles.
Or, le Tribunal de Grande Instance de Marseille s'est cru autorisé à lui donner raison et a jugé que la grève n'était pas légale, qu'elle devait donc s'interrompre sous peine, pour les syndicats, d'une amende de 10000 euros par jour de grève supplémentaire. Le directeur de la RTM, Marc Girardot (frère d'un dirigeant de la Connex-France) menaçait les grévistes de sanctions pouvant aller jusqu'au licenciement s'ils continuaient la grève.
Pourtant ce sont bien les travailleurs eux-mêmes qui sont juges. C'est eux qui font fonctionner jour après jour les métros, bus et tramways, et ils en savent plus sur leurs conditions de travail qu'un juge du tribunal. Si, pendant un mois ils font grève parce qu'ils estiment qu'un projet est inacceptable et doit être annulé, ce n'est pas par plaisir; c'est qu'il y a bien là un motif et un problème réel, qu'on ne peut rayer d'un trait de plume en déclarant la grève illégale.
Ils sont donc venus nombreux, samedi 5, discuter de cette décision du tribunal dans les dépôts.
L'Intersyndicale proposait en fait de cesser la grève, sans qu'il y ait de discussion là-dessus. Elle mettait directement au vote dans chaque assemblée la reprise de la grève le vendredi 11 novembre, à l'échéance d'un nouveau préavis qui faisait, lui, mention des salaires, des relations sociales dans l'entreprise et... du plan d'entreprise. Ceci impliquait de travailler en attendant ce vendredi. Parmi les grévistes, sonnés par ce retournement de situation, rares furent ceux qui dirent qu'il fallait continuer la grève en dépit des menaces, que l'interrompre c'était l'affaiblir, qu'il faudrait aller voir les cheminots, les postiers, ceux qui ont les mêmes problèmes que nous et qu'avec eux on pourrait gagner.
Les assemblées générales ont voté la reprise de la grève pour vendredi. Le travail a repris aussitôt, les conducteurs de bus qui étaient de service ont sorti leurs bus sous les acclamations de leurs camarades.
D'ici là, des négociations sont en cours entre la direction et les syndicats, tandis que les bus et le métro circulent normalement à Marseille. Chez les traminots les discussions vont bon train, et l'on entend souvent: "S'il le faut, on repart".