- Accueil
- Lutte ouvrière n°1945
- Côte-d'Ivoire : Les menaces pour la population
Dans le monde
Côte-d'Ivoire : Les menaces pour la population
Après le 30 octobre: quel que soit le pouvoir en place, rien de bon n'en sortira pour les travailleurs
Depuis des mois, les spéculations vont bon train sur l'après-30 octobre, date de fin de mandat du président Gbagbo. D'un côté, les opposants au régime crient sur tous les toits que, la date venue, ils l'enlèveront du pouvoir de gré ou de force. De l'autre, ses partisans clament: nous sommes là et nous resterons.
Quant au maître de cérémonie, leur maître à eux tous, à savoir l'impérialisme, représenté par les forces onusiennes et françaises en Côte-d'Ivoire, il a attendu jusqu'au dernier moment avant de dicter la règle du jeu pour l'après-30 octobre.
Quoi qu'il en soit, le spectre étant là, les riches, à savoir les propriétaires d'usines, des banques, du gros commerce, de même que les hauts cadres des grandes entreprises privées et publiques, tous ceux-là ont préféré quitter la Côte-d'Ivoire, sinon eux-mêmes, dans tous les cas leur famille. Mais il n'y a pas qu'eux qui ont préféré la prudence en se mettant à l'abri. Leurs représentants politiques en ont fait de même. Ainsi, apprend-on, le premier d'entre eux, Gbagbo, aurait prolongé le séjour de ses deux filles aux États-Unis; Mamadou Koulibaly, le président de l'Assemblée nationale, aurait installé sa famille en Afrique du Sud; Affi N'Guessan, le président du FPI (Front Populaire Ivoirien), s'est acheté une belle demeure en France et y a envoyé sa famille; Bohoun Bouabré, le ministre FPI de l'Économie et des Finances, en a fait de même, en choisissant la Suisse; Seydou Diara, le Sénégal; Kadet Bertin, le conseiller militaire de Gbagbo, a aussi envoyé sa famille en France; certains députés auraient fait de même, etc.
À vrai dire, tout ce beau monde ainsi que leurs porte-plume qui déversent la haine ethnique, tribale et xénophobe depuis toutes ces années pour diviser les travailleurs, n'a de toute façon pas grand-chose à craindre, même en restant en Côte-d'Ivoire. Ce n'est pas dans leurs quartiers riches que les gens se découperont à la machette ou subiront les exactions des différentes milices militaires ou paramilitaires. De plus, les forces onusiennes et françaises ne sont-elles pas là justement pour les protéger eux-mêmes et leurs intérêts dans ce pays?
Non. Ceux qui ont à craindre du spectre qui plane en Côte-d'Ivoire, ce sont les pauvres: ce sont les quartiers pauvres et tous ceux qui y vivent. C'est dans ces quartiers que les riches ont installé la haine; c'est là qu'ils ont positionné les milices. C'est dans ces quartiers qu'il y a un réel risque de massacre fratricide.
Alors quelle solution pour les travailleurs? En tout cas, il n'y en a aucune à attendre du côté FPI, PDCI (Parti Démocratique de la Côte-d'Ivoire), RDR (Rassemblement des Républicains) ou Forces Nouvelles. N'est-ce pas eux qui ont créé cette situation, dans leur lutte pour le pouvoir? Il n'y a pas plus de salut à attendre du côté des forces onusiennes et françaises. Elles sont là pour défendre les intérêts des riches, à commencer par ceux des impérialistes.
(...) L'éventualité d'une dictature militaire n'est malheureusement pas à exclure dans les circonstances politiques actuelles. En tout cas, c'est le souhait d'une partie des classes riches ivoiriennes, libanaises et françaises.
Quel travailleur peut prétendre aujourd'hui vivre normalement de son travail? Non seulement la situation des ouvriers se dégrade depuis des années, mais en plus, ceux qui réussissent à garder leur emploi subissent une exploitation chaque jour accrue et sont écrasés par le patronat qui profite de la situation actuelle pour tirer plus de profit. Et cette réalité est encore plus perceptible aux rares ouvriers qui arrivent bon an mal an à se trouver un petit travail au port ou dans les zones industrielles et qui se voient proposer un salaire de 1500 F par jour (il s'agit de francs CFA, ce qui équivaut à environ 2,25 euros - NDLR)
La classe ouvrière ne peut compter que sur elle-même. Sur ses propres forces. Pour commencer, elle ne peut pas laisser la haine et la division s'installer dans les cours communes et dans les quartiers. Comment donc se défendre s'il y a la division? Il est indispensable que les travailleurs s'organisent pour faire face aux milices et autres Cécos (Centre de commandement des opérations de sécurité) qui viennent racketter et installer la terreur dans les quartiers. Ils ont besoin de s'organiser sur leur lieu de travail, dans les docks, les zones industrielles, le bâtiment pour défendre ensemble leurs intérêts matériels et créer une solidarité agissante. Oui, il y a tout cela à faire pour ne pas subir la loi des machettes dans les quartiers et la dictature de la bourgeoisie sur les lieux de travail. Alors, que tous ceux qui ont conscience de la tâche commencent par discuter avec leurs voisins et leurs proches.