Espagne : Le leurre du nouveau statut de la Catalogne14/10/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/10/une1941.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Espagne : Le leurre du nouveau statut de la Catalogne

Le 30 septembre, le Parlement catalan a adopté par 120 voix sur 135 votants un nouveau statut de la Catalogne. Celui-ci modifie sensiblement celui de 1979, puisqu'il prévoit que la Catalogne se définit comme une «nation» et qu'un certain nombre de ses «compétences» seront amplifiées, avec notamment la création d'un Conseil de justice autonome, la reconnaissance de la «position particulière de la Generalitat» (gouvernement catalan) en matière de droit civil, langue, éducation, culture et système institutionnel. Il est également prévu que la Generalitat relève et gère tous les impôts, et «en cède une part à l'État espagnol pour les services que l'État espagnol fournit à la Catalogne et au nom de la solidarité inter-territoriale».

Ce statut voté par le Parlement catalan ne va toutefois pas entrer en vigueur maintenant, et sûrement pas sous sa forme actuelle. Il est prévu en effet que l'adoption du texte définitif se fasse en trois étapes. Après avoir été adopté par le Parlement catalan, il doit être approuvé par le Parlement espagnol, les Cortès, puis ratifié par référendum par les Catalans eux-mêmes.

Ainsi, après des semaines de débats au Parlement catalan, les Espagnols pourront suivre des semaines d'affrontements aux Cortès avant que n'intervienne le référendum en Catalogne. Et ce même processus ne manquera certainement pas de s'engager demain à propos du Pays Basque, de la Galice, de l'Andalousie.

Ce terrain de la mise en place d'«autonomies» plus larges, sur lequel le Premier ministre socialiste Zapatero s'est engagé et qui capte l'attention de tous les milieux politiques de droite comme de gauche, correspond certes à un problème réel: l'existence de particularismes nationaux vivaces dans certaines régions d'Espagne comme le Pays Basque ou la Catalogne. Mais il correspond aussi à la volonté du gouvernement socialiste de centrer la vie politique du pays sur le problème des revendications nationales et tenter de faire ainsi oublier le chômage, les conditions de travail, la précarité. Il lui permet aussi d'apparaître différent du parti de droite, le Parti Populaire, qui hurle au «démantèlement de l'Espagne» dès qu'il est question d'autonomie.

Ce n'est pas un hasard si Zapatero a lancé la discussion en Catalogne. Le Parti Socialiste dirige en effet la Catalogne depuis deux ans, allié non seulement avec le PC catalan (le PCC) mais avec Esquerra Republicana Catalana, le parti nationaliste catalan qui a permis aux socialistes de détrôner le parti catalan traditionnel, Convergence et Union, jusque-là majoritaire.

Au Parlement catalan, les nationalistes toutes tendances confondues, unis au PSOE (le Parti Socialiste espagnol) et au PCC, ont voté pour le nouveau statut, isolant le Parti Populaire, de l'ancien président du gouvernement, Aznar, très minoritaire en Catalogne.

Aussitôt, Zapatero a insisté sur deux points: premièrement, c'est le Parlement espagnol qui aura le dernier mot et, deuxièmement, la Constitution espagnole sera respectée de A à Z. Il tient vraiment à montrer que ce qu'il concède, il ne le concède pas sous la pression, mais dans le cadre de la «légalité espagnole». Il sait que la bourgeoisie espagnole peut parfaitement s'accommoder d'une formule accordant une large autonomie interne à la Catalogne et même à d'autres régions. La forme constitutionnelle de l'État fédéral est une solution qui a fait ses preuves dans suffisamment de pays, des États-Unis à l'Allemagne, pour n'effrayer ni la bourgeoisie espagnole ni la bourgeoisie catalane. Mais il tient à montrer que ce que ce n'est pas sous la pression qu'il accordera un nouveau statut à la Catalogne ou à d'autres.

Du côté des patrons espagnols, la seule inquiétude que laissait percer le patron de la CEOE (le Medef espagnol) concernait le marché «intérieur» catalan, qu'il souhaitait ouvert. Quant au dirigeant des patrons catalans, il trouvait le projet de statut excellent. Mais ce qui est «excellent» pour les patrons ne peut pas l'être pour les travailleurs.

Partager