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Leur société
Enfants handicapés : Une loi sans moyens
Une nouvelle loi prévoyant que, comme tous les autres enfants, les handicapés moteurs ou mentaux doivent être inscrits de plein droit dans l'établissement scolaire le plus proche de leur domicile a été adoptée. Cette loi avait été fortement inspirée par les association de handicapés, qui y voyaient un moyen de faire évoluer la situation scandaleuse qui prévaut pour l'instant en la matière.
Sauf que depuis la rentrée scolaire, certains élèves handicapés moteurs ou mentaux arrivent dans les établissements scolaires sans que rien n'ait été prévu pour les accueillir.
Auparavant l'Éducation nationale était juste tenue de «favoriser l'intégration scolaire des handicapés». Faute de moyens, de locaux adaptés, de personnel qualifié pour s'occuper de ces enfants, ou d'établissements spécialisés, cela se traduisait la plupart du temps par l'obligation pour la famille de se débrouiller toute seule, particulièrement quand il s'agissait des troubles les plus graves, enfants autistes, polyhandicapés, élèves ayant de graves troubles du comportement. Le manque de moyens dans l'enseignement se combinait alors avec celui qui existe dans la santé pour créer des situations inextricables.
L'État vient d'être condamné en vertu de cette nouvelle loi pour avoir refusé l'inscription d'un enfant autiste dans le collège de son quartier dans la région lyonnaise. Condamnation qui met en relief la contradiction entre les principes et la réalité. Car comment aurait pu se faire réellement cette scolarisation? L'histoire de cet enfant et de sa famille est édifiante. En 2001, le service hospitalier qui s'en occupait jusque-là était restructuré et n'accueillait plus que des adultes. Depuis, l'enfant est entièrement à la charge de sa famille, qui n'a trouvé, pour la soulager une journée par semaine, qu'une halte-garderie pour handicapés. Les établissements spécialisés, avec des médecins, des kinésithérapeutes, des instituteurs spécialisés sont en nombre bien insuffisant. En Seine-Saint-Denis par exemple, le délai d'attente pour y entrer est au moins d'un an. Et ce sont les enfants les plus lourdement atteints, ceux dont les comportements peuvent s'avérer dangereux pour eux-mêmes et pour leur entourage, qui trouvent le plus difficilement des places. C'est le cas d'une centaine d'enfants du département, et de plus de 10000 à l'échelle du pays. Les familles qui n'ont pas les moyens financiers de payer certaines écoles privées coûteuses ou un professeur particulier pour s'occuper de leur enfant en viennent ainsi à réclamer l'inscription dans l'établissement scolaire de leur secteur, espérant que les moyens suivront.
Mais malheureusement, l'Éducation nationale n'est pas au rendez-vous. La seule aide que peuvent en effet demander les établissements au ministère, sans être sûrs de l'obtenir, est la présence de personnes précaires et non formées, «auxiliaires de vie scolaire» ou «emplois de vie scolaire», rémunérées au smic et dont les contrats sont la plupart du temps d'un an. Face à la difficulté d'une tâche à laquelle rien ne les a préparés, beaucoup d'entre eux préfèrent rapidement chercher un autre travail.
Dans la réalité, la seule «solution» de l'Éducation nationale est bien souvent de remettre une nouvelle fois l'enfant à ses parents. En langage administratif, cela donne, selon la formule de l'inspecteur d'académie de Seine-Saint-Denis: «Tout élève a droit à une inscription dans l'école, le collège ou le lycée de son secteur, mais attention, cela ne veut pas forcément dire qu'il y sera scolarisé.»
Le gouvernement a baptisé sa nouvelle loi «Pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapés». Il est moins avare de formules pompeuses que de moyens matériels et humains pour que l'éducation des quelques milliers d'enfants les plus difficiles à scolariser ne reste pas à la charge de leurs familles!