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Leur société
Le patronat se lamente les poches pleines !
«Les entreprises voudraient bien augmenter les salaires mais elles n'en ont pas les moyens aujourd'hui, car la croissance est atone», a déclaré Laurence Parisot, présidente du Medef, invitée par la chaîne de télévision LCI le 3 octobre, veille de la journée d'action des syndicats. C'est sa rengaine depuis qu'elle a succédé au baron Seillière à la tête du patronat: selon elle, les entreprises ne pourraient «donner ce qu'elles n'ont pas».
Et pour appuyer le refus du patronat d'augmenter les salaires, elle en a remis une couche sur la «pauvreté» supposée des entreprises : «Nous souhaitons aussi, comme les manifestants [du 4 octobre - NDLR], que le chômage baisse et j'estime qu'un pays avec une croissance de pouvoir d'achat forte est un pays riche, or la France est en train de s'appauvrir.»
S'il y a une «France qui s'appauvrit», ce n'est en tout cas pas celle de Madame Parisot. Depuis le début de l'année, les grandes entreprises du pays, dont elle-même est une des héritières (son père avait bâti un empire dans le secteur du meuble et de la cuisine), affichent des profits insolents.
Depuis le mois de septembre, les grandes entreprises en sont même à revoir à la hausse leurs perspectives de profits. Total, Axa, Crédit Agricole, Suez, Essilor, Pinault-Printemps-Redoute, LVMH (Bernard Arnaud), Cap Gemini, le gotha des affaires couvrant de multiples secteurs, annoncent des résultats en forte augmentation et en prévoient d'encore plus importants pour l'ensemble de l'année 2005.
Et si la santé florissante des grandes entreprises ne rejaillit pas sur l'ensemble du pays, c'est que ces profits vont ensuite pour l'essentiel dans la poche des actionnaires et des hauts cadres de ces entreprises.
La «France qui s'appauvrit» est celle des salariés, des retraités, des chômeurs, à qui on refuse depuis des années toute augmentation sérieuse des salaires et dont les revenus sont rognés par différents biais. Mais quand il s'agit de dividendes, de stock-options ou de parachutes superdorés, «pauvreté» n'est pas le mot qui convient. Les dividendes distribués aux actionnaires des entreprises du CAC 40 (la moitié de la capitalisation boursière) ont augmenté de 13% rien que pour les six premiers mois de 2005, un pourcentage qui sera réévalué d'ici à la fin de l'année. Rien que pour la période 2002-2004, les dividendes distribués représentaient 50 milliards d'euros, ce qui permet au passage aux patrons du CAC 40 d'être les mieux payés d'Europe.
Quant aux stock-options, elles recèlent près de six milliards d'euros de gain potentiel, ce qui représenterait une hausse de 29% par rapport à l'an dernier. Un pactole que se partageront quelque 140000 privilégiés, ceux-là mêmes qui mentent ou font mentir à leurs salariés en prétendant qu'il n'y a pas d'argent pour augmenter les salaires!
Le patronat bénéficie au passage de quelque 50 milliards d'euros que l'État lui distribue, bon an mal an, en aides diverses, exonérations de charges et cadeaux fiscaux de toutes sortes. Mais cela n'a pas empêché la représentante de la France dorée sur tranche de conclure ses propos à la télévision en réclamant que l'État remette la main à la poche, cette fois en baissant des prélèvements qui n'ont pourtant pas cessé de diminuer ces dernières années: «Les entreprises sont surtaxées, dans aucun pays elle ne supportent des prélèvements aussi élevés que chez nous. Il faut leur donner plus d'air», a dit Madame Parisot.
Va-t-on encore dire que ce sont les salariés qui défendent leur emploi et leur salaire qui en veulent toujours plus?