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Bob Denard renvoyé en correctionnelle : Un mercenaire au service de l’impérialisme français
La justice française vient de renvoyer Bob Denard et ses 26 complices devant le tribunal correctionnel de Paris, pour un coup d'État manqué perpétré dans l'archipel des Comores fin septembre 1995. Il aura fallu dix ans d'instruction. Comme quoi la justice sait prendre le temps de la réflexion et de «calmer les passions» !
Denard et ses coprévenus devront répondre du délit d'«association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un crime», dans le cadre de l'arrestation et de la séquestration de Saïd Mohamed Djohar, alors président de la République fédérale islamique des Comores. À la suite du coup d'État, Denard et ses mercenaires avaient tenté d'installer un gouvernement provisoire. Mais des troupes françaises étaient intervenues et avaient mis fin au putsch, tandis que Denard et ses complices étaient arrêtés et ramenés en France pour y être jugés.
Avant ce putsch manqué, Bob Denard avait déjà derrière lui une longue carrière de mercenaire, qui illustre bien celle de ces «affreux» (comme on appelait les mercenaires et autres têtes brûlées, en particulier au Congo ex-belge) que l'on retrouve dans tous les conflits qui ont ravagé le continent africain depuis les années 1960, et qui continuent à le faire. Ainsi, après avoir sévi en Indochine, Denard se retrouva successivement au Biafra (Nigeria), au Katanga (Congo), en ex-Rhodésie, en Angola, au Bénin puis aux Comores. Dans la plupart des coups tordus et autres putschs auxquels il participa, Denard intervint avec la bénédiction du Sdece et de Jacques Foccart, qui fut longtemps le «Monsieur Afrique» de l'Élysée, ainsi qu'avec le soutien des relais locaux de l'impérialisme, français en particulier, comme le Togolais Eyadema, l'Ivoirien Houphouët-Boigny, le Gabonais Bongo et le Marocain Hassan II.
Ce mercenaire est une incarnation des filières occultes grâce auxquelles l'État français a maintes fois pu peser sur les événements en Afrique, sans avoir les mains liées par les résultats d'une élection ou par des accords diplomatiques internationaux. C'est fort de ces appuis que Denard a également mené des opérations pour le compte d'autres commanditaires, sans forcément bénéficier de l'aval du gouvernement français.
Ce genre d'opérations valurent à Denard plusieurs comparutions devant la justice française. Ainsi, en avril 1995, il fut condamné à cinq ans de prison pour une tentative de coup d'État perpétré au Bénin en 1977. Soupçonné de l'assassinat du président comorien Ahmed Abdallah lors d'un coup d'État réalisé en 1989, il fut acquitté.
Si on ne peut anticiper sur le verdict du prochain procès, il y a lieu de penser que la justice française saura se montrer indulgente vis-à-vis des écarts d'un serviteur aussi méritant de l'impérialisme français. D'autant qu'il a sûrement des tas de secrets gênants à mettre dans la balance...