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Irak : Bush aura sa constitution et les Irakiens... une guerre civile
L'administration Bush pavoise. Après des mois de tractations et plusieurs tentatives infructueuses, le projet de Constitution irakienne qu'elle s'était engagée à soumettre à référendum en octobre a été enfin présenté à l'Assemblée nationale irakienne, le 17 septembre. Cette fois, néanmoins, les autorités d'occupation n'ont pas pris de risque : il n'y a eu ni vote, ni même débat !
Qu'importe pour Washington si, derrière cette mascarade " démocratique ", l'Irak sombre de jour en jour un peu plus dans un bain de sang. Ou que la semaine précédant la présentation de ce projet final de Constitution ait fait plus de 350 victimes irakiennes, dont près de la moitié dans les 14 attentats qui ont visé Bagdad le 14 septembre, faisant 167 morts et 570 blessés ! Le même silence prévaut à propos de la guerre qui n'en finit plus -comme en témoigne l'attaque de la ville de Tall Afar, à la frontière syrienne, d'abord par des bombardiers lourds, puis par 5000 soldats américains et irakiens.
Selon la propagande américaine, la dégradation de la situation en Irak serait à mettre au seul compte des représentants locaux d'al-Qaida. D'autres y voient l'expression d'un conflit religieux entre musulmans chiites et sunnites. Mais ce réductionnisme bien commode sert surtout à occulter les responsabilités réelles de l'impérialisme.
En provoquant l'écroulement du régime de Saddam Hussein, l'invasion américano-anglaise a ouvert un vide étatique béant dans lequel se sont engouffrées une multitude de factions réactionnaires rivales luttant pour le pouvoir. Par la suite, l'arrogance des occupants, les conditions d'existence misérables qu'ils ont imposées à la population et leurs tentatives pour s'appuyer sur la majorité chiite, contre une minorité sunnite suspectée d'être restée loyale à l'ancien régime, ont attisé les divisions entre communautés tout en servant de sergent recruteur à des factions qui ne reculent devant aucune démagogie.
Aujourd'hui, à côté des troupes d'occupation, la réalité du pouvoir sur le terrain est exercée par les milices armées de ces factions, chacune s'efforçant d'étendre son influence au détriment de ses rivales.
Bien que rivalisant toutes pour le pouvoir, ces factions ont néanmoins des ambitions diverses. Les deux partis nationalistes kurdes, déjà solidement installés au pouvoir sous la protection de l'impérialisme depuis quinze ans, souhaitent avant tout le maintien de ce statu quo, pourvu qu'ils bénéficient du monopole des ressources du bassin pétrolier de Kirkouk -monopole que leur contestent la plupart des autres factions.
Pour leur part, les factions chiites sont divisées. Certaines, comme celle du Premier ministre al-Jaafari, visent à une fédération irakienne, dans laquelle une vaste région Sud sous contrôle chiite, construite autour du bassin pétrolier de Bassora, ferait contre-poids au Kurdistan. D'autres, comme la faction de l'imam Moqtadah al-Sadr, sont, à l'instar de la plupart des factions sunnites, opposées à toute forme de fédéralisme et prônent un pouvoir centralisé, au nom d'un nationalisme irakien.
Ce que toutes ces factions ont en commun, néanmoins, qu'elles soient ou non parties prenantes dans la mascarade démocratique orchestrée par Washington, c'est d'être prêtes à se servir de leurs armes non seulement contre leurs rivales dans la lutte pour le pouvoir, mais également, si nécessaire, pour s'imposer par la terreur à la population. Le fait que, par exemple, certaines d'entre elles aient justifié leurs attentats contre des ouvriers du bâtiment irakiens par le fait qu'ils " collaboraient " avec l'occupant, ne change rien au caractère ignoble de telles actions.
Il y a là tous les ingrédients d'une guerre civile larvée qui ne date pas d'aujourd'hui, mais bien des premiers mois qui ont suivi l'écroulement du régime de Saddam Hussein. Or, en deux ans et demi d'occupation, non seulement l'impérialisme n'a pas désamorcé cette poudrière, mais il l'alimente. On assiste depuis plusieurs mois à une escalade dans la brutalité d'attentats qui affectent pratiquement toutes les composantes de la population irakienne. Et il y a tout lieu de craindre que la farce " démocratique " de Bush ne fasse que masquer la transformation d'une guerre civile larvée en guerre civile ouverte, dans laquelle la population se trouvera une fois de plus prise au piège entre les bombes des armées de l'impérialisme et celles des diverses milices armées locales luttant pour le pouvoir.