La fête de I'Humanité a été un succès. Elle aurait rassemblé cette année plus de monde que les précédentes. Le temps clément et Bernard Lavilliers n'en sont pas seuls responsables. Le Parti communiste et ses militants se sentent ragaillardis par le succès du Non au dernier référendum.

Et c'est sur le thème du "on a gagné la bataille du Non, on peut gagner en 2007", qu'ont été centrés tous les débats et le discours de clôture de Marie-George Buffet. Quitte à oublier que ladite bataille du Non a été pour une part "gagnée" avec les voix de la droite réactionnaire et en surfant sur les sentiments xénophobes, ce qui permet à de Villiers d'espérer lui aussi "gagner" en 2007, mais lui grâce à un discours emprunté directement à Le Pen. En tout cas nulle ambiguïté sur le "on" qui "peut gagner en 2007": c'est la future gauche gouvernementale dont le PC va s'attacher à assurer la victoire dans l'année et demie qui vient.

Cette "Gauche plurielle" rénovée se baptisera peut-être demain "alternative", vocable plus radical que celui d'"alternance". Mais ce qui est sûr, c'est que la direction du PCF ne veut en exclure personne: pas plus François Hollande que Laurent Fabius. Ce dernier, pour s'imposer, et en bon disciple de Mitterrand qui réussit la même opération autrefois, se doit aujourd'hui de gauchir son langage, de lancer du "chers camarades" à une assistance plutôt sceptique que Marie-George Buffet a dû appeler à la tolérance, de parler de défense des services publics (lui, l'ancien Premier ministre!) ou de conclure sur les mobilisations nécessaires. Les autres dirigeants du PS se gardent de toute promesse, comptant simplement comme d'habitude sur le mécontentement suscité par la politique des Raffarin, Villepin et Sarkozy pour revenir au gouvernement sans même avoir à faire la moindre promesse.

Dans l'immédiat, pour se renforcer et se mettre en position d'être la cheville ouvrière de la future alliance, le Parti communiste se veut le rassembleur, après celui des "non de gauche" (étape atteinte le 29 mai dernier), maintenant de toute la gauche (prochaine étape visée).

Car il n'y a pas, contrairement à ce qu'écrivaient nos camarades de la LCR dans un tract à l'intention des militants communistes de cette fête, deux gauches inconciliables: celle du Oui, ultra-libérale, d'un côté; celle du Non de l'autre, qui serait celle "du refus d'un ordre porteur d'injustice" et avec laquelle les révolutionnaires pourraient bâtir un "front social et politique", c'est-à-dire non seulement se retrouver ensemble dans des luttes mais construire une force politique commune. C'est justement cette gauche du Non elle-même qui passe son temps à démentir la LCR. Car Buffet et Mélenchon, eux, ne voient pas double. Ils ont les yeux braqués sur une seule et même équipe, les Jospin, Hollande, Strauss-Kahn... et Fabius, dont ils attendent quelques ministères en 2007, et la conservation de leurs postes de parlementaires ou autres élus.

Le Parti communiste garde sans doute une base militante dans la classe ouvrière et les quartiers populaires. Une base sans doute prête à se mobiliser dans la rue ou sur le terrain social, mais qui n'est appelée à le faire qu'en perspective des élections. C'est dans ce cadre que Marie-George Buffet a annoncé le calendrier d'action du PCF: participation à la manifestation syndicale du 4octobre, rassemblement national de toute la gauche contre la politique anti-sociale de Sarkozy et Villepin le 22 octobre, forum national le 26 novembre qui devrait, avec les forums locaux organisés par les "collectifs du Non", contribuer à l'élaboration d'un nouveau programme qui, au mieux, pourrait rejouer le rôle du "programme commun de la gauche" d'il y a trente ans. C'est-à-dire susciter l'illusion chez une partie des travailleurs que le retour de la gauche au pouvoir permettrait d'appliquer une politique qui leur serait favorable.

On ne peut pas dire que Marie-George Buffet ignore ce qu'est tracer une perspective, ponctuée d'étapes, de mobilisations et d'échéances partielles. Elle en tient bel et bien une. Celle du détournement de la combativité et des espoirs ouvriers sur la voie de garage d'un remake des gouvernements de gauche passés.

Au "remettez-nous ça, la patronne" qu'offre la dirigeante du PCF, il faut opposer la seule voie qui permette aux travailleurs de s'en sortir. D'une part, mettre en avant un programme de survie: interdiction de tout licenciement, embauches massives dans le privé et le public, augmentation générale et immédiate de 300 euros mensuels de tous les salaires, suppression de toute forme précaire de travail. D'autre part, l'imposer par une riposte collective, du niveau de celles de juin 36 ou mai 68 -qui certes se prépare avec des étapes et des mobilisations partielles, mais toujours en affirmant l'objectif final.

Cette perspective, les organisations d'extrême gauche, LCR et LO, pourraient l'offrir même si elles ne l'ont pas fait ces derniers temps. Mais il faudra que la LCR cesse de se fourvoyer derrière des politiciens ennemis des travailleurs, et que LO se paie enfin du culot montré par Marie-George Buffet pour attirer la LCR et s'adresser à tous les travailleurs combatifs qui voudraient en découdre. Sinon, ceux-ci ne verront d'autre choix que de se rallier à la nouvelle mouture de l'union de la gauche qu'on leur prépare.

Olivier Belin

Convergences Révolutionnaires n° 40 (juillet-août 2005)

Bimestriel publié par la Fraction

Dossier: Main basse sur l'argent public.

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