Carburants : La sollicitude sélective de Villepin15/09/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/09/une1937.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Carburants : La sollicitude sélective de Villepin

Lundi 12 septembre, s'adressant aux fédérations patronales des transporteurs routiers, le ministre des Transports, Perben, leur a promis des "mesures d'urgence" face à la hausse des prix du carburant.

Le ministre prévoit, d'une part, de présenter dès cet automne un projet de loi pour leur permettre de répercuter cette hausse sur leurs clients, d'autre part, d'augmenter les dégrèvements fiscaux sur la taxe professionnelle, avec effet rétroactif au 1er janvier 2005.

Le lendemain, Villepin promettait aux agriculteurs un "soutien spécifique", sous forme d'aménagements de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP). "Les agriculteurs sont dans une difficulté particulière: ils ne peuvent pas répercuter la hausse du prix du pétrole", a-t-il dit pour justifier son geste.

Comme si les salariés, les retraités, les chômeurs, qui subissent d'autant plus ces hausses que leurs revenus sont faibles, pouvaient les répercuter sur quelqu'un!

Certes, la facture s'est alourdie pour les agriculteurs, tout comme pour les transporteurs, les chauffeurs de taxi ou les marins pêcheurs, et cela peut poser des problèmes aux plus petits d'entre eux, ceux qui vivent tout juste de leur travail. Mais il en va de même pour l'ensemble des travailleurs, qui ont eux aussi vu leur note de gazole ou d'essence augmenter respectivement de 26 et de 22% sur un an, ainsi que pour tous ceux qui se chauffent au fioul, que ce soit dans des habitations individuelles ou dans les logements collectifs. Ce mode de chauffage, considéré jusqu'alors comme économique, a vu ses tarifs grimper de près de 50% sur un an.

Toute une partie de la population, qui vit avec de faibles revenus, ne peut plus faire face à cette flambée du prix des carburants. Le salarié obligé de prendre sa voiture pour se rendre à son travail, faute de transports en commun, surtout en province, aura dépensé plusieurs centaines d'euros supplémentaires sur l'année. Plus encore pour le chauffage: faire le plein d'une cuve de fioul domestique de 3000 litres est passé de 1 400 à plus de 2000 euros. Alors, beaucoup se restreignent déjà, en n'utilisant la voiture que pour le travail, au détriment des autres sorties, en n'achetant que la moitié de la quantité de fioul nécessaire, dans l'espoir que l'hiver ne sera pas trop froid ou que le prix baissera -mais cela n'est valable que pour les chauffages individuels, les locataires des immeubles collectifs, eux, vont voir leurs charges grimper sans avoir d'autre choix que payer.

Le gouvernement est plein de sollicitude pour des catégories sociales qu'il veut séduire dans un but électoral et se déclare prêt à leur offrir toutes sortes de dédommagements pour qu'ils ne souffrent pas trop des hausses de prix. Mais envers les travailleurs salariés, dont la situation financière est souvent bien plus dramatique, il est beaucoup plus avare de ses dons. Les seules mesures qu'il a prises sont, d'une part, de donner 75 euros aux personnes non imposables qui se chauffent au fioul, ce qui est loin de compenser les hausses subies; d'autre part, Villepin a parlé de mettre en place un "ticket transport", "pour tous ceux qui sont obligés de prendre leur véhicule et de parcourir de longues distances pour se rendre à leur travail". À combien de kilomètres parcourus estime-t-il que la distance est longue? Cette mesure reste pour l'instant au niveau des intentions. De toute façon, elle se ferait par une réforme du barème qui permet de déduire de ses impôts les kilomètres parcourus: autrement dit, pour en profiter, il faudra à la fois payer l'impôt sur le revenu (ce qui exclut les quelque dix millions de "foyers fiscaux" aux revenus trop faibles pour y être assujettis), et se mettre aux "frais réels", ce qui complique la déclaration.

Le gouvernement prévoit donc de distribuer une aumône aux travailleurs pour compenser la hausse des carburants, et de donner plus à des petits ou gros patrons, routiers ou agriculteurs. Mais surtout, pas un instant il n'envisage d'obliger les patrons à prendre à leur compte la facture d'essence de leurs salariés qui n'utilisent leur véhicule que pour se rendre à leur travail. Et il ne veut surtout pas imposer aux compagnies pétrolières qui profitent de ces hausses de redistribuer les milliards accumulés afin de faire baisser la facture de carburant des couches populaires.

Partager