- Accueil
- Lutte ouvrière n°1936
- Argentine : Les travailleurs veulent leur part de la relance
Dans le monde
Argentine : Les travailleurs veulent leur part de la relance
L'économie argentine a connu depuis deux ans un net redressement. La dévaluation de la monnaie nationale, le peso, dont la valeur par rapport au dollar a été presque divisée par quatre, a considérablement favorisé le secteur de la bourgeoisie exportatrice.
Sur le marché intérieur, il y a une hausse des prix qui a incité d'autres secteurs de la bourgeoisie nationale à produire à nouveau pour celui-ci, après des années d'argent facile gagné à la Bourse. On a même vu des entreprises locales, notamment dans l'industrie alimentaire, qui avaient été vendues trois fois leur prix au moment où la spéculation était la plus forte, être finalement rachetées après le krach par leurs anciens propriétaires à un prix plus raisonnable, une excellente opération pour ceux qui en ont bénéficié.
Mais cette reprise relative profite surtout aux classes possédantes. Elle reste bien insuffisante par exemple pour sortir la moitié de la population de la misère, notamment dans les provinces les moins industrialisées et les moins urbanisées.
En revanche dans la province de Buenos Aires, où se concentre le tiers des quelque 37 millions d'Argentins, aussi bien la petite bourgeoisie, qui avait vu ses économies gelées au moment du krach, qu'une partie des salariés ont connu un redressement de leur situation. Ceux qui avaient des économies les ont dans une large mesure récupérées. Les salaires ont connu également un réajustement tenant en partie compte de la dévaluation. Et on assiste aussi à une institutionnalisation d'une partie du secteur des «entreprises récupérées», ces entreprises relancées par les salariés, souvent parce que les patrons les avaient abandonnées, et dont certaines sont désormais devenues des coopératives, sans patrons mais soumises aux mêmes contraintes que les autres entreprises.
Ce climat économique a incité les salariés dont les salaires restaient bloqués à se mettre en grève, et dans plusieurs secteurs les travailleurs revendiquent des hausses des salaires. Le coup d'envoi a été donné au début de cette années par les travailleurs du métro de la capitale qui, outre des augmentations de salaires, ont réussi à imposer que leurs horaires de travail n'augmentent pas, ce qui a obligé leur employeur (privé) à embaucher.
Cette grève a fait des émules et, cet été, ce sont les infirmières et les salariés de l'hôpital de Garrahan, spécialisé dans le traitement des enfants cancéreux, qui réclamaient à la fois un salaire de base de 1800 pesos et une augmentation égale pour tous de 600 pesos. En effet les services statistiques du président Kirchner claironnent partout que le «panier de la ménagère» est de 1800 pesos: c'est donc cette somme que réclament ceux de Garrahan, dont les salaires sont bloqués depuis quatorze ans.
Les travailleurs ont d'autant plus de raisons de revendiquer que le succès des exportations argentines s'accompagne de prélèvements fiscaux de la part de l'État qui font que celui-ci dispose actuellement d'une confortable cagnotte.
Pour bien des travailleurs qui gagnent parfois jusqu'à trois fois moins que ce que revendiquent ceux de Garrahan, ce serait un encouragement à revendiquer également. En pleine campagne électorale (on votera en octobre prochain), ce n'est pas le signal que le gouvernement Kirchner a l'intention de lancer, et son ministre de la Santé, épaulé par la bureaucratie syndicale de la CGT péroniste, a mis la pression sur les dirigeants de l'hôpital pour qu'ils ne cèdent pas. Mais les multiples provocations et une campagne de presse hostile aux grévistes, les accusant mensongèrement d'abandonner leurs jeunes patients, ont eu, pour le moment, l'effet inverse et ont renforcé la détermination des grévistes, qui sont soutenu par les parents des enfants hospitalisés et qui envisageaient, fin août, de s'adresser à d'autres salariés, pour étendre leur action pour une revendication qui concerne tous les travailleurs argentins.