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- Lutte ouvrière n°1934
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Editorial
Ce n’est pas aux travailleurs de faire les frais de la hausse du pétrole
Le prix des produits pétroliers n'en finit pas de grimper. Selon les chiffres du ministère de l'Économie, qu'on ne saurait suspecter de les surestimer, le prix du super sans plomb 95 a augmenté de 10,9% en un an, celui du gazole de 20,8%, et celui du fioul domestique de près de 35%. Face à cela, le Premier ministre s'est contenté de promettre «la vérité et la transparence aux Français», renvoyant toute mesure concrète à plus tard. Les mesures éventuelles qui ont été évoquées concernent surtout les professionnels de la route. Les travailleurs qui gagnent un peu plus que le smic, comme les retraités, ont été d'ores et déjà écartés de la liste de ceux qui pourraient bénéficier d'une quelconque redistribution des rentrées supplémentaires que procure à l'État cette flambée des prix à la pompe.
Ces hausses viennent pourtant frapper de plein fouet le monde du travail: des milliers de salariés n'ont pas d'autre choix, face à l'insuffisance des transports en commun, aux horaires qu'on leur impose et à l'éloignement de leur domicile des lieux de travail, que d'utiliser leur véhicule personnel. Une grande partie de la population laborieuse se chauffe au fioul, que ce soit dans des habitations individuelles ou dans des immeubles dont les charges locatives vont forcément répercuter ces hausses.
Les conséquences de cette flambée des prix des produits pétroliers ne seront évidemment pas les mêmes pour tout le monde.
Il y a ceux qui en profitent: les sociétés pétrolières et leurs actionnaires, dont les profits s'envolent depuis plus d'un an, sans que le gouvernement ait jamais envisagé d'augmenter l'impôt sur les bénéfices des sociétés. Il y a ceux que cela ne gêne pas trop: les nantis pour qui les frais de carburant ou de chauffage égratignent à peine leurs revenus. Mais pour la grande masse des familles de travailleurs, des retraités, dont les salaires et les pensions étaient déjà loin de suivre l'augmentation du coût de la vie, la hausse incessante des carburants et du fioul ne peut que se traduire par une diminution insupportable de leur niveau de vie.
Les travailleurs n'ont aucun moyen d'intervenir directement sur le prix des produits pétroliers. Mais ils n'ont aucune raison non plus d'accepter d'être les victimes de cette situation. Si les salaires deviennent de plus en plus insuffisants pour leur assurer un niveau de vie décent, alors il faut exiger une revalorisation générale des salaires, pensions et retraites.
Il ne faut évidemment pas compter pour cela sur la bonne volonté du patronat, qui s'est au contraire employé, depuis des années, à réduire le niveau de vie des travailleurs afin d'augmenter ses propres profits. Ni sur celle du gouvernement actuel, ou d'un quelconque gouvernement futur, car toute l'expérience du passé montre, quels que soient les résultats des élections, que les gouvernants ne sont que les commis du grand patronat. Mais les travailleurs, sans qui rien ne serait produit, sans qui aucun service ne fonctionnerait, représentent par leur nombre, par leur place dans la vie économique, une force considérable, capable d'obliger les possédants à faire les frais des conséquences du système économique aberrant qui ne vise qu'à l'enrichissement d'une petite minorité.
Après les mauvais coups qu'ont constitués en juillet les ordonnances de de Villepin, avec en particulier le «contrat nouvelle embauche», les confédérations syndicales ont annoncé des actions pour cette rentrée de septembre. Elles n'ont peut-être pas d'autre ambition que d'être admises à discuter autour d'un tapis vert avec les représentants du patronat et du gouvernement.
Mais il faudra se servir de chacune de ces actions pour montrer au patronat, comme aux dirigeants syndicaux, que les travailleurs sont prêts à imposer par la lutte la satisfaction de revendications qui relèvent de la plus élémentaire justice sociale.
Arlette LAGUILLER
Éditorial des bulletins d'entreprise du 22 août