Irak : Une constitution qui ne résoudrait rien17/08/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/08/une1933.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Irak : Une constitution qui ne résoudrait rien

La date butoir pour l'élaboration d'une Constitution en Irak avait été fixée au 15août. Mais, faute d'un accord entre les rédacteurs censés représenter les chiites, les sunnites et les Kurdes, elle a été repoussée d'une semaine. Rien ne dit cependant que ce délai soit suffisant pour leur permettre d'élaborer un texte qui satisfasse les différents clans qui se disputent le pouvoir en Irak. Et, à supposer que cette Constitution voie le jour, il est fort probable qu'elle ne sera jamais applicable dans un pays qui s'enfonce de plus en plus dans la guerre civile. De toute façon, elle ne ferait que délimiter des zones de partage de pouvoir entre les dirigeants qui s'affrontent, et le peuple irakien, à commencer par les femmes, n'aurait rien à y gagner.

La rédaction d'une Constitution était une étape dans «l'instauration de la démocratie», qui était soi-disant le but de l'intervention américaine en Irak. Un échéancier était même prévu pour cela: d'abord, l'élection d'une Assemblée provisoire en janvier dernier, puis la création d'une commission chargée de rédiger un projet de Constitution devant être présenté au Parlement avant d'être soumis au vote par référendum à la mi-octobre; enfin, en décembre 2005, des élections législatives devraient avoir lieu, d'où émanera un gouvernement censé représenter le peuple irakien. Ainsi, sur le papier, apparaîtraient les marques formelles de la démocratie telle que la conçoivent les dirigeants impérialistes. Mais l'écart entre l'apparence constitutionnelle et la réalité de la situation dans le pays n'en serait que plus flagrant.

La guerre menée par les États-Unis, qui a éliminé Saddam Hussein, s'ajoutant à des années d'embargo et de privations a plongé le pays dans le chaos. En cherchant des appuis dans les divers clans de notables, les occupants ont redonné vigueur aux anciennes divisions ethniques et religieuses. Les élections ont bénéficié aux partis représentant les chiites, les plus nombreux, au détriment des représentants des partis sunnites sur lesquels Saddam Hussein s'était appuyé pour gouverner le pays (et qui avaient d'ailleurs appelé à boycotter le scrutin). Les Kurdes, qui disposent d'une autonomie de fait dans leur province, ont élu leurs représentants. Les tractations autour du projet de Constitution reflètent les rapports de force entre les uns et les autres.

Un premier sujet de discorde est la place de la religion dans le texte de la Constitution, dont les partis chiites voudraient qu'il soit en conformité avec la charia, la loi islamique, ainsi que toute loi votée ultérieurement.

Mais les discussions achoppent avant tout sur le problème du fédéralisme, c'est-à-dire en fait sur la part de pouvoir qui reviendra à chacun des trois groupes. La répartition géographique est favorable aux partis kurdes et chiites, puisqu'elle aboutit à leur confier des régions riches en champs pétrolifères. Ils sont donc favorables à une large autonomie, voire même à un quasi-éclatement du pays qui leur permettrait de bénéficier seuls, chacun dans leur zone, de la rente pétrolière. Mais les partis sunnites, majoritaires au centre du pays, risqueraient de se voir écartés de cette manne, après l'avoir été du pouvoir à la chute de Saddam Hussein, et ils s'inquiètent par conséquent de la forme que pourrait prendre le futur État irakien.

La lutte entre les clans n'en reste cependant pas au niveau des pourparlers autour de la Constitution, mais elle se mène à coups de bombes et d'attentats qui font des victimes parmi la population irakienne. Le pays est en proie à la guerre civile et au bord de l'éclatement, et ce n'est pas un texte constitutionnel, élaboré à grand renfort de marchandages, de compromis sur le papier et aussi de zones d'ombre, qui règlera des conflits qui se mènent sur le terrain.

Pourtant, il est un point dans cette Constitution sur lequel la grande majorité des députés de l'Assemblée constituante semblent être tombés facilement d'accord: c'est sur la place qu'elle réserve aux femmes. Le projet de texte abolit l'ancien Code de la famille promulgué dans les années 1950, à l'époque l'un des plus progressistes du monde arabe. Dans la nouvelle Constitution, les affaires relatives au mariage, au divorce et à l'héritage seront soumises à la loi islamique, c'est-à-dire que la femme ne pourra plus décider librement de sa vie; et si la Constitution reconnaît en principe l'égalité des droits pour les femmes, c'est à condition qu'ils «ne violent pas la charia»!

Alors, quel que soit le texte sur lequel les représentants des différents clans arrivent à se mettre d'accord, si jamais ils y arrivent, une chose est sûre, c'est qu'il n'apportera rien à la population irakienne, qui devra lutter contre ses futurs dirigeants si elle veut obtenir des droits démocratiques.

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