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Dans le monde
Arabie saoudite : Une dictature au parfum de dollars
Dès l'annonce du décès du roi Fahd d'Arabie saoudite, Chirac a filé assister à ses obsèques. Un proche, un parent? Non, un client, mais quel client!
Fahd, dit-on, pouvait s'absenter pendant des mois pour courir les casinos en Europe, en y dépensant chaque soir des sommes fantastiques. Même si le commerce, les services et l'hôtellerie de très grand luxe - des secteurs où la bourgeoisie française occupe une place de choix face à ses concurrents - profitent largement de cette version proche-orientale de la «tournée des grands ducs» russes du début du 20esiècle, ce n'est finalement là que menue monnaie. Car, bien sûr, c'est le pétrole saoudien qui fait saliver tous les grands groupes occidentaux, et les hommes politiques qui représentent leurs intérêts. Et qui sait, en discutant avec le nouveau roi Abdallah, Chirac décrochera peut-être un nouveau contrat pour Total, comme celui obtenu l'an dernier, depuis qu'à la suite du relatif rafraîchissement des rapports entre les États-Unis et l'Arabie saoudite, les compagnies pétrolières américaines n'ont plus de monopole de fait sur les hydrocarbures saoudiens?
Les successeurs du roi Ibn Séoud, fondateur du royaume d'Arabie saoudite, gèrent ce pays - et les immenses ressources de son sous-sol - comme leur propriété familiale personnelle. Mais eux et la caste des princes (pas moins de 7000, dit-on) qui les entourent ne réinvestissent sur place qu'une faible part des dividendes qu'ils tirent de la rente pétrolière.
Le pays dispose de tout ce qu'il faut et même du superflu pour les parasites qui le dirigent, mais l'Arabie saoudite reste peu développée, soumise à une mono-industrie pétrolière, elle-même dépendante des marchés mondiaux. En effet, qu'ils aient ou pas confiance dans leur propre régime, ses féodaux nantis ont depuis longtemps placé la majeure partie de leur fortune dans de grands groupes européens et américains, où elle s'est fondue dans les flux financiers du capitalisme occidental. La sollicitude manifestée par les Bush, Chirac et autres à l'égard d'un roi Fahd, de son successeur Abdallah et de leur entourage va aussi, sinon d'abord, aux grands groupes occidentaux qu'ils financent.
Et puis, cette dictature théocratique a beau faire figurer un cimeterre sur son drapeau, elle préfère, pour se protéger, s'appuyer sur des armes plus modernes. Les 20% de ses ressources qu'elle consacre au budget de sa Défense font les beaux jours des Dassault, Matra et autres marchands d'armes de France et d'ailleurs.
Les grandes puissances n'hésitent pas, telle la France en 1979, lors de l'occupation de la grande mosquée de La Mecque par des opposants islamistes, à mettre en oeuvre tout leur savoir-faire militaro-policier au service du régime. Ce sont en effet des gendarmes du GIGN, envoyés par le président français Giscard d'Estaing, qui matèrent les rebelles, dont soixante-trois furent ensuite décapités par les bourreaux du roi Fahd.
La monarchie saoudienne est un régime autocratique (en 2005, pour la première fois, il a organisé des élections... municipales), qui prône le wahhabisme - l'islam intégriste prêché par Abd al Wahhab - protégé du fondateur de la dynastie, et ne connaît d'autre loi que la charia islamique, avec une police religieuse pour l'imposer à tous. Ce régime relègue les femmes au rang de mineures privées des droits élémentaires: elles n'ont eu celui d'aller à l'école qu'en 1960 - à la même époque où l'esclavage fut aboli en Arabie saoudite - mais n'ont toujours pas le droit de conduire une auto. Il applique la torture et la peine de mort en grand. Amputations et flagellations de condamnés sont monnaie courante. Toute opposition est sauvagement réprimée... Mais rien de tout cela ne semble indisposer les grands de ce monde que l'on voit se presser aux obsèques de Fahd.
Dans une pièce, Shakespeare fait dire à la meurtrière lady Macbeth que «tous les parfums d'Arabie ne pourront laver» sa main du sang qui la tache. Les parfums d'Arabie saoudite, eux, effacent tout car ils empestent le pétrole. Et qui a dit que l'argent n'avait pas d'odeur? Pas les chefs politiques de ce monde impérialiste que l'on dit démocratique.