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Dans le monde
Multinationales sans foi ni loi : Crimes au Nicaragua
Plusieurs centaines de personnes ont marché vers Managua, la capitale du Nicaragua, et elles y campent devant l'Assemblée nationale depuis plus de deux mois. Ce sont des travailleurs des champs de bananes infestés par un pesticide, le Nemagon, qui sont atteints de terribles maladies et dont bon nombre sont en train de mourir.
Le Nemagon fut inventé vers le milieu du siècle précédent aux États-Unis. Il combattait efficacement des organismes qui attaquaient les racines des bananiers. Il favorisait aussi des bananes plus grosses. Et enfin il n'était pas cher. Une aubaine pour les firmes de ce secteur. Dow Chemical fabriqua et commercialisa ce produit, et plusieurs exploitants de bananeraies, dont la Standard Fruit Company, l'utilisèrent abondamment.
Mais, dès 1958, des études sur des animaux de laboratoire montrèrent la toxicité du Nemagon. Ces études restèrent secrètes. Beaucoup plus tard, en 1975, l'agence de protection de l'environnement américaine estima que le produit pouvait être cancérigène. En 1977, les travailleurs qui fabriquaient le produit aux États-Unis étaient souvent frappés de stérilité. En 1979, le Nemagon fut interdit aux États-Unis.
Mais dans le reste du monde on continua à l'utiliser et à écouler les stocks.
Les pays touchés ont été principalement ceux de l'Amérique centrale, dont le Nicaragua, mais aussi l'Equateur, les États-Unis eux-mêmes, Israël, le Burkina Faso, la Côte-d'Ivoire, l'Espagne, les Philippines.
Combien y a t il de victimes au total? On l'ignore, des dizaines de milliers sans doute. Rien qu'au Nicaragua on évalue leur nombre à une vingtaine de milliers.
Ces malheureux subissent des affections comme des maladies de peau, de divers organes, des cancers et surtout l'exposition au Nemagon entraîne des malformations chez les enfants, des déficiences mentales et physiques. Quant aux petits enfants il est probable qu'eux aussi seront infectés, car le poison perturbe les cellules reproductrices.
Les firmes qui ont fabriqué et utilisé ce poison savaient parfaitement ce qu'elles faisaient: il s'agissait de laisser froidement mourir des gens, pour que les profits rentrent.
Exactement comme pour l'utilisation de l'amiante, ici en France (et dans une grande partie du monde).
Finalement le Parlement nicaraguayen, bien trop inféodé aux États-Unis, n'a rien fait, comme s'il ne voyait pas les centaines de malheureux qui campent devant ses portes. Les médias n'en parlent quasiment pas.
En 2002, un tribunal du Nicaragua avait bien condamné trois firmes américaines à payer quelques centaines de millions de dollars à environ un demi-millier de travailleurs. Les firmes en question n'ont jamais payé, n'ont manifestement pas l'intention de le faire, et ne le feront probablement jamais.
Elles laissent derrière elles des dizaines de milliers de vies brisées et un environnement ravagé pour deux siècles peut-être.
Cela s'appelle le capitalisme.