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Tribune de la minorité
Chirac accueille un ami...
Le premier ministre israélien, Ariel Sharon, est officiellement invité début juillet à Paris par le président français. Ce dernier salue «la décision déterminée et courageuse d'évacuer à l'été la bande de Gaza pour la remettre à l'Autorité palestinienne». «Nos relations bilatérales connaissent depuis ces trois dernières années un nouvel essor dont témoigne le nombre élevé de visites au plus haut niveau. Ce partenariat, je souhaite le consolider plus encore», a ajouté Jacques Chirac.
La diplomatie française conditionnait, il y a peu, un tel voyage au respect par Israël de la «feuille de route», au retrait des territoires palestiniens occupés militairement et, au moins, à l'arrêt de la colonisation et de la construction du mur de séparation entre Israéliens et Palestiniens. L'invitation de Sharon à Paris est-il simplement un nouveau geste vis-à-vis de Washington auprès de qui la France aimerait rentrer en grâce et qui, on le sait, inspire pour l'essentiel la politique du gouvernement israélien? Ou est-ce le signe que l'impérialisme français, flairant le succès possible de la politique de Sharon et des USA dans cette partie du monde, juge qu'il n'a plus qu'à suivre les dirigeants de l'Autorité palestinienne qui ont, eux aussi, accepté un accord sur le plan de retrait de Gaza?
Pour l'instant ce retrait, qui reste encore à l'état de «plan», est un point marqué sur les Palestiniens bien plus que sur l'extrême droite israélienne, même si c'est celle-ci qui hurle le plus fort. À Gaza le Hamas islamiste concurrençait dangereusement le Fatah, parti au pouvoir discrédité par la corruption, l'absence de résultats économiques et sociaux et par la compromission avec Israël, comme l'ont montré plusieurs élections municipales partielles. En menaçant de se retirer sans aucune concertation et de laisser le champ libre au Hamas islamiste tout en se gardant toute latitude d'y intervenir militairement lorsqu'il sera devenu territoire indépendant,. Sharon a fait peser sur «l'Autorité» palestinienne la crainte de n'en avoir plus aucune. Et ce chantage a réussi. Depuis la mort d'Arafat et son remplacement par Mahmoud Abbas à la tête de ce qui tient de gouvernement au non-État qui règne sur Gaza plus quelques territoires éparses, les relations diplomatiques et inter-gouvernementales ont repris entre dirigeants israéliens et palestiniens. Et le plan de Sharon a été admis par les organisations palestiniennes bien qu'il soit davantage un moyen d'assurer la domination israélienne de fait sur les territoires qu'un pas vers la reconnaissance des droits des Palestiniens.
Car même si Sharon réussit, malgré la résistances des colons et de tous les militants d'extrême droite qui les soutiennent et malgré les réticences des militaires, à faire partir les 8000 colons des 21 colonies de Gaza et les 500 colons de 4 colonies de Cisjordanie (les plus difficiles à isoler des Palestiniens et à défendre), il s'est engagé à les reloger en grande partie... dans d'autres colonies en Cisjordanie occupée. Et dans cet autre territoire palestinien, il y a déjà 240000 colons dans 160 colonies, sans compter celles de Jérusalem et de sa périphérie.
L'évacuation de Gaza vise donc surtout à ôter aux organisations palestiniennes le moyen de faire pression sur les Israéliens par des actes terroristes ou des manifestations contre des colonies difficiles à défendre. Ce n'est nullement l'application d'un plan de paix, comme on le voit avec les incursions de l'armée israéliennes qui continuent en territoire palestinien, ni un pas décisif vers la formation d'un État palestinien viable sur un territoire d'un seul tenant. Les confiscations de terres, de points d'eau, de maisons, l'isolement des terres palestiniennes par le mur de clôture continuent. Ce n'est pas plus une garantie de la fin du terrorisme vu qu'aucun des problèmes brûlants qui suscitent ce terrorisme n'est réglé. C'est encore moins évidemment la fin de la crise économique qui frappe tant les Israéliens que les Palestiniens.
Les États-Unis, enlisés en Irak et en Afghanistan, auraient bien besoin de quelques avancées en Palestine pour appuyer leur politique dans le monde arabe. Sharon tente donc de faire la démonstration de sa capacité, en s'appuyant sur les travaillistes israéliens, de s'affranchir des pressions des plus radicaux des anti-Palestiniens de son parti, le Likoud, ainsi que du reste de la droite et de l'extrême droite, pour mener à bien la politique voulue par les USA: par quelques concessions laisser espérer aux Palestiniens la constitution d'un État (sans engagement dans le temps) et ainsi espérer les faire patienter et les calmer. Cela suffit à Chirac pour en faire un partenaire et un ami. Cela suffit sans doute aussi à bon nombre de Palestiniens pour confirmer que Chirac, lui, n'est pas le leur.