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Allemagne : Vers un nouveau parti à la gauche du SPD ?
Le vote de défiance qui a eu lieu le 1er juillet au Bundestag, grâce à l'abstention de 148 députés de la majorité gouvernementale, a ouvert la voie à des élections législatives anticipées en Allemagne. C'est à la suite de la défaite électorale de mai dernier dans le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, que le chancelier social-démocrate Gerhard Schröder a décidé d'organiser un nouveau scrutin en septembre prochain.
Reste bien sûr au président de la République, Horst Köhler, à dissoudre le Parlement. Mais pour tous les partis politiques, la campagne électorale est déjà engagée.
Le Parti Social-Démocrate (SPD) espère que, en dépit de la politique antiouvrière qu'il a menée depuis sept ans qu'il est au pouvoir, l'électorat populaire votera malgré tout pour lui, afin d'empêcher «le retour de la droite». Mais rien ne dit que la manoeuvre réussisse. D'autant qu'en peu de temps, l'alliance électorale qui se dessine entre le PDS, Parti du Socialisme Démocratique, et la WASG, l'Alternative Electorale - Travail et Justice Sociale, semble avoir trouvé un certain crédit.
Le PDS est l'héritier de l'ancien parti dominant en Allemagne de l'Est. Il s'est transformé en un parti social-démocrate bis en conservant une influence électorale non négligeable dans l'Est du pays. Il participe, avec le SPD, au gouvernement de certains Länder et y cautionne, en particulier à Berlin, une politique d'austérité contre les classes populaires guère différente de celle qui est appliquée à l'échelle nationale. Il a promis, afin d'effacer les derniers stigmates de son passé, de se transformer en «Parti de Gauche».
Quant à la WASG, c'est une nouvelle formation créée à partir de 2004 par un certain nombre de responsables syndicaux, social-démocrates ou altermondialistes en rupture de ban avec le SPD. Elle se veut l'expression électorale du mécontentement qui existe dans le monde du travail envers le SPD. Mais elle n'entend nullement bouleverser l'ordre capitaliste et se contente de réclamer des «réformes sociales». Elle vient de se trouver une tête de liste connue en la personne d'Oskar Lafontaine. Ancien ministre-président de la Sarre, ancien président du SPD, ancien ministre des Finances du gouvernement Schröder, il s'était mis en réserve, depuis plusieurs années, pour incarner une éventuelle solution de rechange à la direction de Schröder.
Autant dire que le futur parti (une fusion est envisagée entre le PDS et la WASG d'ici à deux ans) n'est nullement l'expression d'une radicalisation, sur la gauche, d'une fraction de la social-démocratie. Son objectif politique se résume à vouloir occuper l'espace électoral que le SPD, qui a tellement évolué vers la droite, a peut-être libéré.
Il reste que, pour la première fois depuis longtemps, une partie du monde du travail, écoeuré par la politique menée par le SPD, et convaincu que ce dernier n'a aucune chance contre la droite, envisage de voter pour un parti que tous les médias classent comme plus à gauche sur l'échiquier politique. C'est ce qu'indiquent tous les sondages qui créditent le Parti de Gauche de 7%, 9% voire, tout récemment, de 11%. Si ces scores sont confirmés lors du scrutin, cela représenterait évidemment un petit événement dans le paysage politique allemand, où le SPD dispose depuis des décennies, d'une position hégémonique dans l'électorat populaire et ouvrier. Et ce serait évidemment préférable à une progression importante de l'extrême droite, comme cela a été le cas lors des élections régionales de Saxe en septembre 2004, où les candidats néonazis ont recueilli 9,2% des suffrages.
Mais pour les salariés, pour les chômeurs, le problème essentiel ne se résoudra pas au Parlement. Car, quel que soit le résultat des élections, si c'est la CDU qui l'emporte, comme c'est probable, ou si le SPD demeure au pouvoir, la situation du monde du travail va s'aggraver. Pour imposer leur droit à vivre et à travailler dignement, les travailleurs ne pourront faire l'économie d'une contre-offensive, dans les entreprises et dans la rue. Et ce qu'il faut souhaiter, c'est que, au-delà du mécontentement qui existe envers le SPD, une fraction au moins des travailleurs en prenne conscience et retrouve confiance dans la force collective qu'ils représentent.