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Constitution européenne : Après le «non» en France, celui des Hollandais?
Le 1er juin, après les Français, les électeurs hollandais étaient consultés à leur tour sur la Constitution européenne par voie de référendum. À l'heure où nous écrivons, le résultat n'était pas connu mais les sondages donnaient le «non» vainqueur entre 59 et 65%.
11,6 millions d'électeurs étaient donc appelés aux urnes pour se prononcer, à titre consultatif. Cependant, les principaux partis de gouvernement avaient dit accepter d'en prendre en compte le résultat, pour peu que la participation soit au moins de 30%, soit un chiffre supérieur à la participation à la dernière élection européenne.
Le «non» des électeurs français n'a pas arrangé les affaires des partisans du «oui» en Hollande. Les électeurs ont été sermonnés. «Les Néerlandais ne doivent pas prendre la leçon des Français, ils doivent faire leur propre choix», a déclaré le Premier ministre Jan Peter Balkenende, «déçu» par le résultat français qui rend caduc un argument souvent utilisé par les partisans du «oui»: l'isolement de la Hollande. On ne pourra plus nous traiter «d'idiots du village européen», ironisait un porte-parole du Parti Socialiste, seule formation de gauche parlementaire en faveur du «non» (ce parti, à ne pas confondre avec le Parti du Travail (social-démocrate), est associé aux Partis Communistes qui siègent au Parlement européen).
De son côté, le chef du groupe parlementaire libéral (VVD), Jozias van Aartsen, a tenté de faire vibrer la corde nationaliste des électeurs en expliquant que le «non» français ouvrait aux Pays-Bas une meilleure position en Europe... à condition de voter «oui»!
Comme en France, une bonne partie des électeurs du Parti Libéral comme d'ailleurs du Parti du Travail (social-démocrate), lui aussi partisan du «oui», ne sont pas sur la même longueur d'ondes que leurs représentants et se disaient décidés à rejeter le traité constitutionnel, alors que sur 150 parlementaires on dénombre 22 défenseurs du «non».
Il y a bien sûr, comme en France, un vote dit «souverainiste», alimenté par le fait que la Hollande est actuellement un des pays qui reçoivent moins qu'ils ne versent à l'Union européenne, et même un vote «xénophobe», entretenu par une extrême droite qui agite l'épouvantail de l'entrée de la Turquie, mais qui essaye aussi, depuis quelques années, de tirer profit de l'hostilité d'une partie de l'opinion vis-à-vis de l'immigration.
Mais, comme en France, ce qui pèse le plus lourd dans la balance du référendum est sans doute la dégradation de la situation sociale. Depuis 2003, les Pays-Bas sont plongés dans une situation de récession qui a vu grimper le taux de chômage de 2 à 8%, tandis que le système de protection sociale, un des plus développés d'Europe, a subi des attaques. Les coupes récentes dans les budgets sociaux ont été évaluées à 17 milliards d'euros.
Les dirigeants syndicaux, de leur côté, essayaient d'obtenir par la négociation que le gouvernement retire seulement 2 milliards d'euros de ces 17 milliards. Sans succès, puisque non seulement, en 2004 et 2005, les salaires sont restés bloqués, mais le gouvernement a encore alourdi les coupes budgétaires de plus de 2 milliards d'euros. L'enseignement, les soins de santé, les allocations et les pensions en sont les principales victimes. En même temps, la durée légale maximale de la semaine de travail a été portée à 60 heures et la journée à 12 heures. Et on décourage ceux qui seraient tentés par un départ en préretraite avant 60 ans par une pression fiscale qui rend l'opération désavantageuse. Enfin, les dispositions des conventions collectives qui limitaient la concurrence salariale au sein d'une même branche ont été abolies.
Tout cela a alimenté le mécontentement social. En octobre 2004, imitant les travailleurs allemands en colère contre Schröder, les travailleurs néerlandais descendaient massivement dans la rue pour défendre leur pouvoir d'achat. L'apathie des directions syndicales est également l'objet de critique de certains militants syndicaux. Dans le port de Rotterdam, ceux-ci ont lancé un regroupement, «La coupe est pleine!», qui a déjà appelé à une grève régionale et paralysé le port.
Au-delà du référendum du 1er juin, il faut souhaiter que ce mécontentement du monde du travail s'exprime de plus en plus dans ses luttes et réussisse à faire reculer le gouvernement et le patronat.