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Leur société
Sans-papiers : La politique de Villepin en oeuvre à Marseille
À Marseille, les étrangers sans-papiers sont arrêtés et expulsés dans des conditions particulièrement brutales et expéditives sans même que soient respectées les procédures légales. C'est ce qu'a dénoncé le Collectif "Contre les Expulsions et les Reconduites à la Frontière", lors d'une conférence de presse.
Ces méthodes vont tout à fait dans le sens de la politique du gouvernement que le ministre de l'Intérieur, de Villepin, a précisé au Conseil des ministres le 11 mai, déclarant que "face à l'immigration irrégulière, la règle c'est la fermeté", et qu'il était "hors de question" de procéder à une régularisation de l'ensemble des sans-papiers. Il était déjà venu le rappeler à Marseille en mars, déclarant qu'il voulait augmenter les expulsions et "passer de 16000 éloignements à 20000 en 2005".
Les étrangers emprisonnés au centre de rétention d'Arenc, sur le port de Marseille, ont été le plus souvent arrêtés, au faciès, sur les places, la gare, au marché aux puces ou lors de contrôles routiers. Dans ceux-ci, les policiers n'hésitent pas à utiliser de faux prétextes pour expliquer l'interpellation, prétendant, par exemple, que la personne n'avait pas sa ceinture de sécurité.
De plus en plus les sans-papiers sont arrêtés alors qu'ils vont porter plainte au commissariat parce qu'ils ont été agressés, volés par un patron sans scrupules et même battus. Une jeune femme enceinte, venue porter plainte après une agression qui lui avait valu dix jours d'arrêt, s'est retrouvée face à un policier se moquant complètement de sa plainte et qui voulait juste savoir si elle avait ou non des papiers. Comme son mari et elle se sont retrouvés en situation irrégulière, bien qu'étant en France depuis sept ans et ayant deux enfants nés en France, le policier a convoqué son mari et appelé la PAF (Police de l'air et des frontières). Le mari a été immédiatement obligé de signer plusieurs papiers, sans savoir de quoi il retournait. Les policiers, après lui avoir expliqué qu'un avocat, ça ne servait à rien, l'ont placé en garde à vue. Il a fallu l'intervention du MRAP pour le faire relâcher.
Un membre du collectif a assisté pendant une année aux audiences du Tribunal de grande instance concernant les sans-papiers. Il a pu tout au long des audiences constater que de multiples arrestations et expulsions sont faites en toute illégalité, avec de nombreuses irrégularités: par exemple, il n'y a pas eu moyen pour douze Congolais sans papiers de faire leur demande d'asile, la communication téléphonique avec le ministère de l'Intérieur étant brouillée. Ils ont été immédiatement transportés sur Roissy et expulsés.
Les étrangers subissent très souvent la double peine, car lorsqu'ils sortent de prison ils sont conduits au centre d'Arenc, jugés en 24 ou 48 heures et expulsés avant d'avoir pu tenter quoi que ce soit.
Les brutalités policières, les pressions, les intimidations se multiplient tellement que, bien qu'il soit très difficile, quand on est étranger ou Français issu de l'immigration, de réagir à de tels comportements, le nombre des plaintes déposées en France a augmenté de 18,4% en 2004.
Les procédures sont expéditives, bâclées, entachées d'irrégularités. Souvent, il n'y a pas d'interprètes. Beaucoup d'étrangers arrêtés n'ont pas d'avocat dès la première heure de garde à vue pour les assister, et la procédure est tellement rapide que l'avocat n'a pas le temps de fournir les papiers demandés, de contacter la famille... Les entretiens entre les étrangers sans papiers et leurs avocats ont lieu au milieu du parloir de la prison d'Arenc, entourés de policiers, sans aucune confidentialité et les policiers sont encore là lors des entretiens au tribunal. Très souvent les étrangers arrêtés, faute de moyens, se retrouvent avec un avocat commis d'office, alors qu'un avocat spécialisé est nécessaire, la loi changeant sans arrêt et étant de plus en plus complexe. En plus, certains juges refusent même de laisser plaider les avocats.
Pour rendre les choses encore plus difficiles, les audiences ont lieu aussi le week-end. Il n'est pas évident alors d'avoir un avocat. Elles se tiennent dans de petites salles perdues au bout des couloirs, alors que le bâtiment du Tribunal est fermé. Et il faut toute la persévérance et le courage des familles, des proches, quand il y en a, pour réussir à entrer et apporter un peu de soutien.