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- Lutte ouvrière n°1919
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Editorial
"Non" a une Constitution qui n'apporte rien aux peuples !
Les 8 et 9 mai, des cérémonies se sont succédé pour commémorer le soixantième anniversaire de la défaite de l'Allemagne pendant la Deuxième Guerre mondiale. Chirac y est allé de la gerbe traditionnelle et les grands de ce monde se sont retrouvés à Moscou pour une cérémonie collective.
La Deuxième Guerre mondiale a été une immense boucherie: 50 millions de tués, dont la moitié pour la seule Union soviétique. Mais lorsqu'on voit les chefs des puissances impérialistes d'aujourd'hui commémorer ce qui fut une catastrophe pour les peuples, on ne peut ressentir que du dégoût, tant est immense la responsabilité de leurs prédécesseurs, et surtout celle des grands groupes capitalistes qu'ils servent et dont la rivalité a entraîné successivement la Première, puis la Seconde Guerre mondiale. Et ces groupes, aussi bien les groupes allemands, les Thyssen, Krupp, IG-Farben, que les groupes concurrents britanniques, américains, français, sont toujours là, sous les mêmes noms ou sous d'autres. Ils prospèrent toujours de l'exploitation de leurs travailleurs et du pillage de la planète.
Bien sûr, c'est le régime nazi au pouvoir en Allemagne qui a déclenché la guerre. Ce régime infâme est arrivé au pouvoir par l'écrasement de la classe ouvrière allemande, applaudi pour cela par toutes les bourgeoisies d'Europe, y compris en France et en Grande-Bretagne, avant que la machine de guerre allemande menace leurs intérêts.
Mais réduire la Deuxième Guerre mondiale à une guerre entre nazisme et démocratie est un mensonge destiné à dégager la responsabilité des groupes capitalistes.
Côté Allemagne, c'était une dictature hideuse. Mais était-ce la liberté de l'autre côté? Le 8 mai 1945, alors qu'on prétendait fêter la liberté revenue, il a suffi, en Algérie sous domination coloniale française, que des manifestants revendiquent l'indépendance pour que l'armée française et les milices de colons européens déclenchent une répression féroce à Sétif: 15000 morts sûrement, 45000 peut-être. Une répression assumée par un gouvernement comprenant tout l'éventail des grands partis politiques, des gaullistes au Parti Communiste. Il n'était pas question à l'époque, pour la bourgeoisie impérialiste française, de se passer de ses colonies, pas plus qu'il n'en était question pour la bourgeoisie britannique. Ce sont leurs empires coloniaux qui leur permettaient d'échapper à l'étroitesse de leurs marchés nationaux et de contrer l'impérialisme allemand, particulièrement agressif car dépourvu de colonies. La démocratie en France et en Grande-Bretagne reposait sur l'esclavage de leurs empires coloniaux respectifs.
Contrainte de "décoloniser", la France a dû s'entendre avec l'Allemagne pour créer ce "Marché commun" qui, rejoint par la Grande-Bretagne, est devenu, au fil des marchandages, "l'Union européenne".
Cette entente forcée entre impérialismes rivaux est-elle pour autant le règne de la paix? Même pas. Depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, il n'y a jamais eu un moment sur la planète sans une guerre quelque part, y compris en Europe. Que l'on se souvienne de la guerre fratricide qui a déchiré l'ex-Yougoslavie avec, derrière elle, un sourd conflit d'intérêts entre la France et l'Allemagne, soutenant qui le camp serbe, qui le camp croate. Et de l'Afghanistan à l'Irak, il y a des troupes de pays européens aux côtés des troupes américaines.
Alors, lorsque les défenseurs du "oui" à la Constitution présentent celle-ci comme un instrument de paix, c'est un mensonge. Si elle prévoit une armée européenne pour le plus grand bonheur de nos marchands d'armes à la Dassault ou Lagardère, ce n'est pas pour faire la paix. La Constitution ne crée pas les conditions de relations fraternelles entre peuples, même à l'intérieur de l'Union. Elle ne fait que fixer les règles à l'avantage des puissances d'Europe occidentale, celles qui, alliées ou ennemies, ont toujours cherché à dominer le continent.
Cette Constitution qui, par ailleurs, n'apporte rien aux travailleurs, n'apporte rien non plus aux peuples.
La question qui sera posée au référendum ne mérite qu'une seule réponse: "non".
Arlette LAGUILLER
Éditorial des bulletins d'entreprise du 9 mai