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Leur société
Constitution européenne : Des pays plus égaux que d'autres
D'un côté, les partisans du "oui" au référendum constitutionnel expliquent que la Constitution qu'ils nous invitent à approuver serait un apport extraordinaire pour les pays et les peuples qui intègrent l'Union européenne, et de l'autre on entend Chirac se flatter que la France et l'Allemagne disposeront d'un poids accru dans les décisions communautaires.
La réalité, c'est que cette Constitution européenne verrouille toute possibilité pour les nouveaux États membres de secouer la tutelle des grands États d'Europe de l'Ouest.
En dehors de quelques domaines, comme la politique monétaire de la zone euro, qui relèvent directement de l'Union européenne, la plupart des décisions nécessitaient jusqu'à tout récemment l'unanimité des États. Chaque État avait donc un pouvoir de bloquer une décision. Mais à 25, nous explique-t-on, cette règle serait plus difficile à appliquer.
Les marchandages sont donc allés bon train pour savoir combien chaque État pèse en nombre de voix dans les différentes institutions de l'Union européenne. Dans sa rédaction initiale de la Constitution, Giscard avait remis en cause la répartition des voix prévue par le traité de Nice, ce qui avait attiré la colère des gouvernements polonais et espagnol. Ceux-ci ont réussi à obtenir une modification qui leur soit un peu plus favorable. Mais la prépondérance des pays les plus riches de l'Union européenne reste présente. "La majorité qualifiée se définit comme étant égale à au moins 55% des membres du Conseil, comprenant au moins quinze d'entre eux et représentant des États membres réunissant au moins 65% de la population de l'Union. Une minorité de blocage doit inclure au moins quatre membres du Conseil". Ces règles compliquées ne sont pas prises au hasard: l'Allemagne, la France, la Grande-Bretagne, alliées à l'Italie ou même à un pays à population moyenne comme les Pays-Bas, peuvent constituer une minorité de blocage pour empêcher une décision qui leur serait défavorable; il suffit pour cela que quatre pays parmi les plus riches unissent leurs voix. En revanche, les nouveaux pays adhérents, même s'ils arrivaient à se mettre tous d'accord, ne peuvent pas bloquer une décision.
Ces "deux poids, deux mesures" institutionnalisent la domination des groupes capitalistes d'Europe occidentale sur les nouveaux pays membres. En Pologne par exemple, plus de 500 entreprises françaises sont implantées, parmi lesquelles France Télécom qui a rendu le réseau rentable pour ses actionnaires en procédant à des dizaines de milliers de licenciements. Cette mainmise économique, la Constitution européenne la garantit en donnant à ces groupes industriels et financiers une assurance que les États nouveaux venus ne pourront pas leur mettre des bâtons dans les roues. D'où le faible nombre de voix dont ils disposent à eux tous dans les institutions européennes.
Cette domination de "nos" capitalistes sur l'ensemble de l'Europe, nous n'avons évidemment aucune raison de la cautionner. Nous souhaitons à l'inverse que l'existence de l'Europe unie et son extension à de nouveaux pays facilitent l'union, la solidarité de tous les travailleurs contre nos adversaires communs, ces trusts et ces monopoles qui la dominent aujourd'hui.