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- Lutte ouvrière n°1919
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Dans le monde
60 ans après le 8 mai 1945 : Toujours le même mépris des peuples
Le président russe Poutine a célébré en grande pompe la victoire soviétique de mai 1945 sur l'Allemagne nazie, en présence d'une cinquantaine de chefs d'État et de gouvernement, dont Bush et Chirac. Par contre, les dirigeants de l'Estonie, de la Lettonie et de la Lituanie, les ex-républiques baltes de l'URSS, ont dénoncé ce qu'ils considèrent comme le début de l'occupation soviétique de leur pays, la plupart refusant ostensiblement de commémorer l'événement.
Ici, les médias ont présenté les Pays Baltes comme ayant été victimes de "l'oppression communiste", termes employés par Bush dans la capitale lettone, et ont invoqué à ce propos les accords de Yalta.
En 1944-1945, dans la perspective d'une défaite de l'Allemagne, les futurs vainqueurs avaient conclu une série d'accords par lesquels ils s'étaient partagé l'Europe en zones d'influence où ils se chargeaient de rétablir l'ordre. Les puissances impérialistes et la bureaucratie stalinienne craignaient en effet que la Seconde Guerre mondiale ne débouche, comme la Première, sur une vague de soulèvements révolutionnaires. Pour rétablir l'ordre dans une Europe centrale où la défaite de l'impérialisme allemand laissait un grand vide étatique, les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France s'en remirent à Staline, dont l'armée occupait ces régions. Un Staline dont toute la politique avait été dictée, depuis une vingtaine d'années, par la peur et la haine de la bureaucratie vis-à-vis de la révolution.
Les dirigeants politiques actuels de l'impérialisme, tel Bush en Lettonie ces jours-ci, peuvent feindre une sorte de mea culpa à propos de Yalta qui aurait "sacrifié la liberté au nom de la stabilité" et livré les peuples de l'Europe orientale à Staline. Une présentation des choses que les commentateurs d'ici ont largement reprise.
Mais pour être mis au goût du jour, un mensonge n'en devient pas pour autant une vérité. Pas plus que l'URSS de Staline, les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France ne se souciaient de la liberté des peuples, en Europe centrale comme ailleurs.
L'armée de Staline n'occupait ni l'Algérie, ni l'AOF (Afrique occidentale française), ni l'AEF (Afrique équatoriale française), ni l'Indochine ou Madagascar, ces colonies dont les peuples, une nouvelle fois transformés en chair à canon par l'impérialisme français durant la Seconde Guerre mondiale, furent victimes de la répression de ce même impérialisme, dès la fin de cette guerre, quand ils s'avisèrent de réclamer leur liberté. Quant aux peuples de l'immense sous-continent indien, le colonisateur britannique ne leur accorda l'indépendance que contraint et forcé, et pas avant la guerre, ni en mai 1945, mais deux ans et des fleuves de sang plus tard.
Finalement, le 9 mai à Moscou, les Bush, Chirac, Schröder et autres représentants de l'impérialisme se trouvaient en bonne compagnie, aux côtés de Poutine, pas plus soucieux que lui de la liberté des peuples.