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Dans les entreprises
Dassault-Aviation Argenteuil (95) : L’État garantit les profits,les actionnaires s’attaquent à l’emploi
Dassault-Aviation réunit pour l'essentiel deux gros actionnaires: la famille Dassault, qui détient 50,2% du capital, et EADS, qui en possède 46,2%. L'assemblée générale des actionnaires, qui s'est tenue mercredi 20 avril, a entériné une nouvelle année de vaches grasses, avec un bénéfice affiché de 227 millions d'euros. Mais 500 millions d'euros supplémentaires (soit 2,2 fois le bénéfice déclaré) ont été mis en réserve. Le PDG, Charles Edelstenne, cité par le journal Les Echos, a déclaré que Dassault-Aviation peut ainsi «s'offrir n'importe quelle participation dans n'importe quel groupe». La trésorerie nette affiche en effet, fin 2004, un confortable magot de 2,65 milliards d'euros.
C'est donc une affaire qui marche bien, très bien même. Alors, d'où vient tout cet argent?
L'État français assure la majorité des bénéfices
Serge Dassault en fait beaucoup pour promouvoir le «libéralisme économique», c'est-à-dire, en théorie, la non-intervention de l'État dans l'économie. Peut-être est-ce pour masquer l'essentiel: si la famille Dassault n'a jamais cessé d'amasser des bénéfices, c'est en premier lieu grâce à l'État français, grand pourvoyeur de commandes et de multiples aides et soutiens en tout genre. Qu'ils aient été pseudo-nationalisés ou réellement privatisés, les Dassault ont toujours bénéficié de la manne nourricière du budget de l'État.
Qu'on en juge. Pour la seule année 2004, l'État français a confirmé sa commande de 59 avions Rafale -la portant à 120 appareils avec, à terme, l'objectif de 300. La mise au standard F3 (optimisation des capacités de l'appareil) est également prise en charge. Heureux «hasard», elle correspond aux besoins de Singapour qui renouvelle sa chasse, et à qui deux cents membres de l'armée de l'air (dont vingt pilotes) sont fournis par la France depuis huit ans! En 2004, Dassault-Aviation s'est également vu attribuer, par le gouvernement français, la maîtrise d'oeuvre du programme UCAV (avion sans pilote) et des financements qui l'accompagnent.
Pour paraphraser Serge Dassault, dont la devise claironnée est «le client d'abord», c'est bien «l'État d'abord» qui assure le fonds de commerce de l'avionneur. Car bien que les commandes de l'avion civil Falcon aient décollé depuis quelques années, celles-ci restent imprévisibles à long terme.
Les sous-traitants et les salariés supportent les risques
Pour accroître encore plus ses profits et pallier d'éventuels risques du marché, Dassault réduit la masse salariale dans ses entreprises et parmi ses sous-traitants.
Il le fait par le biais de la précarité des contrats d'intérim dont le nombre explose, la flexibilité et la sous-traitance tout azimut. Reims-Aerospace, sous-traitant de Dassault, en est un bon exemple. Elle est aujourd'hui en redressement judiciaire et l'emploi de 240 salariés y est en jeu. Il y a peu encore, ils étaient près de 500 à travailler dans cette entreprise, qui s'appelait encore Reims-Aviation. Mais après avoir prélevé le maximum et profité du travail des salariés, les actionnaires, dont Dassault et EADS, y sous-traitent maintenant des licenciements.
Dans les usines Dassault elles-mêmes, l'effectif a été réduit de moitié depuis une quinzaine d'années, et le pouvoir d'achat des salariés a fondu de 27% en vingt ans, selon le syndicat CGT. Et puisque dans les comptes comme dans la nature rien ne se perd, les bénéfices ont plus que doublé sur dix ans. Certes, Dassault fait tellement d'argent qu'il peut se permettre de donner trois mois de salaire sous forme de primes d'intéressement et de participation. Cela lui revient moins cher que d'augmenter les salaires, à cause de l'exonération des charges sociales, et ne l'engage pas pour l'avenir. Mais les salariés auraient bien aimé recevoir, comme leur PDG, une augmentation de salaire de 22% pour 2004!