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Italie : Berlusconi désavoué ramène un Prodi un peu oublié
Sur les treize régions italiennes soumises au vote les 3 et 4 avril, la coalition de droite que dirige le Premier ministre, Silvio Berlusconi, n'en aura conservé que deux: la Lombardie et la Vénétie, tout en y enregistrant cependant une forte érosion de ses voix.
La coalition de centre-gauche ne fait pas que conserver la direction des régions qu'elle contrôlait déjà comme la Toscane, l'Émilie-Romagne, l'Ombrie, les Marches et la Campanie. Elle en conquiert de nouvelles, du Piémont et de la Ligurie au Latium et à trois autres régions du sud comme les Abruzzes, les Pouilles et la Calabre, en attendant sans doute de conquérir le Basilicate, une région où les élections ont été reportées de deux semaines.
«Ne jouons pas les autruches, c'est une défaite politique» a déclaré au lendemain du vote Gianfranco Fini, vice-Premier ministre et président d'Alliance Nationale, l'ex-parti fasciste. En ajoutant: «Berlusconi est le président du Conseil et le chef de notre coalition, (...) si notre coalition perd, il perd lui aussi», Fini répondait aussi aux tentatives de Berlusconi de dégager ses responsabilités en laissant entendre qu'il ne s'agissait que d'une défaite des présidents de région appartenant à sa coalition.
En effet, il y a maintenant quatre ans que, en 2001, la coalition dirigée par Berlusconi est arrivée au gouvernement. Elle succédait à la coalition dite de centre-gauche qui, dirigée par Romano Prodi, Francesco Rutelli et Massimo D'Alema, avait dirigé le pays pendant cinq ans. La politique d'austérité menée par celle-ci, les privatisations et la précarité, le chômage et les bas salaires, avaient suffisamment déçu et démoralisé l'électorat populaire pour amener au pouvoir une droite triomphante. Le magnat de l'audiovisuel Berlusconi et ses alliés de la Ligue du Nord et d'Alliance Nationale promettaient qu'en enrichissant les affairistes de leur acabit, ils enrichiraient aussi toute l'Italie.
Quatre ans après, chacun peut constater que les riches sont devenus plus riches et les pauvres plus pauvres, que la précarité, le chômage, le travail noir n'ont fait que s'étendre... comme cela avait d'ailleurs déjà été le cas pendant les cinq ans de gouvernement de centre-gauche. Dans ce contexte, les fantaisies d'un Berlusconi deviennent de plus en plus insupportables. Ainsi cette annonce un soir qu'il a décidé le départ des troupes italiennes engagées en Irak, sans même en avoir parlé à ses alliés de gouvernement, pour annoncer le lendemain qu'on l'a mal compris et que, puisque Bush et Blair ne sont pas d'accord, eh bien les troupes italiennes resteront...
Alors cette fois, c'est la droite au pouvoir qui encaisse le désaveu de l'électorat, et ces élections régionales semblent annoncer pour elle une défaite aux prochaines élections législatives, en 2006, tout comme les élections régionales de 2000 avaient préfiguré la défaite du centre-gauche aux législatives de 2001.
C'est donc maintenant cette dernière coalition qui s'apprête à recueillir, par la grâce du système politique majoritaire dont l'Italie est désormais pourvue, les fruits de la déception à l'égard du pouvoir en place. Le temps a passé, et les mêmes qui gouvernaient il y a cinq ans peuvent se représenter en espérant que les électeurs ont un peu oublié leur oeuvre, qu'ils pensent maintenant qu'avec le centre-gauche c'était tout de même «moins pire» qu'avec Berlusconi, et que de toute façon ils n'ont pas d'autre choix, s'ils veulent le désavouer, que de se retourner vers l'autre bord.
La coalition de centre-gauche, autrefois dénommée «l'Olivier», s'appelle maintenant tout simplement l'«Union». Elle a eu le renfort de «Rifondazione comunista», le Parti Communiste maintenu qui, auparavant, avait préféré rester en dehors de la coalition, quitte à la soutenir de l'extérieur. Cette fois Rifondazione, au motif que «d'abord il faut chasser Berlusconi», s'est ralliée d'avance à cette «Union» avec la promesse qu'elle y gagnera des places de ministres au cas où le centre-gauche revienne au pouvoir.
Pourtant, quant à la politique que mènera dans ce cas le centre-gauche, aucune illusion n'est permise. On retrouve à sa tête Romano Prodi: envoyé pendant quelque temps poursuivre à la tête de la Commission européenne la politique déjà menée dans son pays, il revient poursuivre en Italie... toujours la même politique. Lui et ses compères Rutelli et D'Alema, qui ont laissé il y a cinq ans de tristes souvenirs, peuvent remercier Berlusconi. Car c'est bien celui-ci qui, en faisant office de repoussoir, leur restitue une petite auréole de gauche que rien ne justifie, ni dans leur bilan ni dans leur programme.
On verra donc dans un an, ou peut-être avant, si la coalition de Berlusconi est désormais suffisamment discréditée pour ramener le centre-gauche au gouvernement. Mais au-delà de ce jeu de marionnettes, on sait déjà que, face au centre-gauche comme face à la droite, les travailleurs d'Italie auront à imposer leurs exigences par la lutte, dans les entreprises et dans la rue.