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Leur société
Référendum : Chirac dans le rôle de l'arroseur arrosé
Il est savoureux, ou saumâtre, selon son état d'esprit, d'entendre les politiciens de droite, comme ceux de gauche qui font campagne pour le "oui" faire la leçon aux électeurs en leur disant qu'il ne faut pas choisir son bulletin de vote en fonction de considérations de politique intérieure. Cela l'est plus encore quand il s'agit de Chirac lui-même qui, du Japon, a sermonné les électeurs français, leur expliquant en substance la même chose. "La réponse des Français au référendum", a-t-il dit, ne doit pas se faire "en fonction de préoccupations autres qu'européennes".
On rêve! Comme si ce qui avait motivé Chirac pour choisir -car c'est lui qui a fait le choix- de poser la question de la Constitution européenne sous forme référendaire à l'ensemble des électeurs français ne relevait pas d'un calcul politicien! Un calcul lié à des considérations qui n'ont rien à voir, mais rien du tout, avec des "préoccupations européennes"!
Il s'agissait, et cela ne faisait de doute pour personne, de rechercher à être une seconde fois plébiscité, afin justement de retrouver un regain de légitimité, lui permettant de poursuivre la même politique intérieure réactionnaire, devenant de plus en plus impopulaire, dans tous les sens du terme.
Ce calcul visait à mettre son rival de l'opposition, le Parti Socialiste, dans l'embarras. Si sur ce dernier point, l'opération semble avoir réussi au-delà de toutes ses espérances, elle patine passablement en ce qui concerne l'opération plébiscitaire, si l'on en juge par l'évolution des sondages.
À cela s'ajoute une seconde incongruité. Car ces mêmes partisans du "oui" perdent de plus en plus leur contenance au fur et à mesure qu'une majorité de l'opinion semble pencher pour le "non". Une réponse négative à la question qu'il a lui-même posée "serait une connerie" avait déclaré ce même Chirac en allant tapoter sur l'arrière-train des vaches au Salon de l'agriculture. Aujourd'hui, tout le camp du "oui", UMP, UDF, PS confondus, réprimande ceux qui oseraient voter non, les qualifiant d'irresponsables, d'ignorants, d'ingrats, oubliant tout ce que l'Europe des Six, puis des Neuf, puis des Quinze leur a apporté. Mais ces électeurs ont des excuses de ne plus s'en souvenir car il y a un décalage considérable entre les discours et les bienfaits que leur aurait procurés leur Europe. Du moins pour la "France d'en bas". Celle d'en haut en a bien mieux tiré profit, de l'Europe comme du reste.
Curieux, ces "démocrates" qui posent des questions à la population, mais qui se fâchent tout rouge lorsque l'on répond autre chose que ce qu'ils ont envie d'entendre.