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Leur société
Records de profits : Les parasites prospèrent
On l'a lu, entendu et vu partout ces dernières semaines: les profits des grandes entreprises françaises ont explosé tous leurs records en 2004. Les quarante plus grosses sociétés cotées en Bourse -celles qui constituent l'indice «CAC 40»- ont ainsi cumulé 57 milliards d'euros de profits l'an passé, soit une hausse de 23 milliards sur l'année d'avant. Le précédent record, de 46 milliards, datait de l'an 2000.
D'où viennent les profits...
Pour mémoire, 57 milliards d'euros, c'est cinq fois le déficit de la Sécurité sociale qui a servi de prétexte à sa dernière «réforme ». Cela représente également la somme nécessaire pour payer pendant un an un salaire de 1250 euros mensuels, charges comprises, aux 2750000 chômeurs officiellement recensés. Mais les heureux possesseurs de cette montagne d'argent n'ont aucune intention de s'en servir pour renflouer la Sécu ou pour embaucher des chômeurs...
Dans un marché qui ne s'accroît que très lentement, les profits proviennent directement -et uniquement- de l'exploitation accrue de salariés de moins en moins nombreux au travail. Les capitalistes investissent très peu, mais suppriment des emplois à tour de bras, faisant trimer toujours davantage les travailleurs restants, et se vantant dans leurs rapports d'activité de réduire sans cesse la part des salaires dans le coût de revient. Chaque salarié produit ainsi toujours plus, tout en n'étant pas plus payé (et souvent, en l'étant moins). La différence, évidemment, va entièrement dans le coffre-fort des actionnaires.
Que l'on prenne n'importe laquelle de ces entreprises du «CAC 40», les chiffres sont éloquents. À tout seigneur, tout honneur, Total, avec 9 milliards d'euros, a réalisé le plus gros profit jamais perçu par une entreprise française, et s'apprête à supprimer près de 600 emplois dans sa filiale chimique Arkema. Mais pour les autres entreprises, on retrouve le même schéma. L'Oréal, avec des ventes en progrès de 6,3%, voit ses bénéfices grimper de 16,3%.
Sur plusieurs années, l'évolution est encore plus frappante. Ainsi, en deux ans, le fabricant de produits de luxe LVMH a vu ses ventes rester stables. Mais les effectifs, eux, ont diminué de 6% tandis que les dividendes, eux, montaient de 18%. Chez Renault, depuis 2001, les effectifs ont eux aussi reculé de 6%, mais les ventes ont progressé de 11%. Quant aux dividendes, eux, ils ont carrément doublé.
Dans une récente étude, la société de Bourse Chevreux, qui n'a rien d'une officine révolutionnaire, caractérisait la situation pour les 45 plus grandes entreprises françaises: «Entre 2001 et 2004, leur chiffre d'affaires a progressé de 3%, mais leurs investissements industriels ont reculé de 12%, tandis que les dividendes ont explosé de 30%».
... Et où vont-ils?
Alors, si selon l'adage capitaliste, les profits d'aujourd'hui seraient «les emplois de demain», la réalité montre au contraire que les profits d'aujourd'hui ne servent pas à la création d'emplois. Le colossal trésor détenu par les grands groupes ne leur sert absolument pas à accroître les embauches.
Mais alors, à quoi les entreprises utilisent-elles leur magot? La réponse est simple: à rien. Patrick Artus, un économiste pas particulièrement de gauche, l'affirme sans ambages: «Les entreprises disposent de montants considérables de cash (de réserve), dont elles n'ont pas l'usage».
Alors on les voit se livrer à diverses opérations financières, racheter leurs propres actions, et par-dessus tout, servir à leurs actionnaires des dividendes copieux dont la part dans la richesse nationale a presque doublé en dix ans (cette part s'établit aujourd'hui autour de 7%).
Derrière les chiffres et les sociétés anonymes, il y a des hommes et des femmes (surtout des hommes) en chair et en os, quelques milliers dont le seul souci est de savoir comment dépenser leur argent, et dont la seule activité consiste à faire trimer les autres à leur profit. L'économie tout entière dût-elle périr de cette saignée.