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Dans les entreprises
Citroën Aulnay (Seine-Saint-Denis) : Fin de grève, fierté de s'être fait respecter
Les travailleurs de Citroën Aulnay s'étaient mis en grève le jeudi 3 mars contre la tentative de la direction de ne pas payer entièrement les jours de chômage partiel, ce qui aurait entraîné une baisse de salaire de 170 à 220 euros.
Six jours après, le mercredi 9 mars, la moitié de l'usine étant bloquée et la production réduite des deux tiers, les grévistes avaient estimé qu'il leur fallait commencer à populariser leur mouvement à l'extérieur de l'entreprise. Ils étaient 300 à faire un tour au centre commercial Parinor en diffusant un tract relatant leurs revendications. La manifestation leur avait donné l'occasion de discuter avec des salariés du centre et de constater que ceux-ci avaient les mêmes problèmes qu'eux et parfois des salaires encore inférieurs aux leurs, pourtant déjà très faibles.
Lors de la journée de manifestations du 10 mars, cela faisait donc une semaine que la grève était engagée. Autant dire que les 250 à 300 grévistes qui ont participé à la manifestation à Paris étaient pleins d'enthousiasme. Leur cortège résonnait des cris: "La force des travailleurs, c'est la grève".
Pendant le week-end suivant, chaque salarié reçut de la direction une lettre destinée à inciter les grévistes à reprendre le travail. Le directeur reconnaissait que les journées de chômage se traduisaient par des baisses de salaire. C'était reconnaître de manière implicite que les grévistes avaient eu raison de réclamer le paiement à 100% des jours chômés. Le directeur parlait aussi de renouer le "dialogue".
Le lundi 14, dès la prise d'équipe, c'est à plus de 200 que les grévistes acceptèrent d'envoyer une délégation pour savoir ce que la direction avait à proposer. Mais l'armada de chefs mobilisés, façon commando, histoire d'impressionner les grévistes, augurait mal du "dialogue". Et, de fait, la direction n'avait rien à proposer. Ce qui fait qu'au bout de deux heures, les grévistes piquèrent un coup de colère et envahirent l'atelier de peinture. Lorsque la direction se rendit compte que son cinéma ne faisait qu'envenimer les choses et mettre les grévistes en colère, elle finit par accepter une nouvelle réunion avec les grévistes. Cette fois-ci, elle recula.
Elle avait déjà accepté antérieurement de payer à 100% les journées chômées, mais elle voulait en faire récupérer une partie. Cette fois, elle accepta que la récupération soit sur la base du volontariat. Mais les grévistes tenaient surtout au paiement des jours de grève. La direction trouva alors des artifices pour assurer le maintien du salaire complet des grévistes pour les six jours de grève.
Dans ces conditions, les grévistes ont donc voté à l'unanimité la fin de la grève. Ils ont repris la tête haute, avec le sentiment de s'être fait respecter. Pour le montrer, ils ont fait un dernier tour dans les ateliers en criant: "Aujourd'hui, on a gagné, demain on pourra recommencer".
C'est effectivement un des aspects importants de cette grève car, au-delà de la revendication, les ouvriers ont voulu marquer un coup d'arrêt à la politique de la direction. Cela fait plus de vingt ans que l'usine PCA n'avait pas connu un mouvement de grève d'une telle ampleur. C'est donc un sérieux avertissement donné à la direction.
De nombreux jeunes ont participé à la grève. Pour beaucoup, c'était leur première grève. Ces jeunes travailleurs ont appris au cours de ces quelques jours comment s'organiser, comment se défendre collectivement. C'est sans doute un des acquis les plus importants, et c'est une expérience qui pourra leur servir dans l'avenir. Ils ont appris aussi comment l'ensemble des travailleurs peuvent prendre démocratiquement des décisions collectives. Chaque décision a en effet été prise lors d'assemblées générales et chaque action engagée a été votée par les grévistes.
Par ailleurs, au quatrième jour de la grève, mercredi 9 mars, l'assemblée des grévistes a décidé de mettre en place un Comité d'organisation de la grève.
Les travailleurs ont donc obtenu en grande partie satisfaction à leurs revendications matérielles. Mais, au-delà de cette satisfaction matérielle, finalement modeste, il y a surtout la conscience d'avoir réussi leur grève et d'avoir montré, vingt ans après les grandes grèves de 1984 chez Citroën, qu'une nouvelle génération de travailleurs conscients est en train de naître dans cette entreprise. Et c'est un gage pour les luttes futures car l'apprentissage ne sera pas perdu!