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Leur société
Réforme du droit des faillites : Sous la dictée du Medef
Depuis le 1er mars, les députés discutent d'une proposition de loi de Dominique Perben, ministre de la Justice, visant à réformer le droit des faillites des entreprises. Cette question revêt une certaine importance, non seulement pour les 45000 patrons qui font faillite chaque année, mais aussi pour les 300000 salariés touchés par ces faillites, dont 150000 y perdent leur emploi.
Cette loi, comme la plupart de celles discutées par le Parlement et comme tout le code civil, concerne essentiellement le droit de propriété. Quand une entreprise a fait faillite, quels sont les créanciers qui doivent être payés en premier : les fournisseurs, les actionnaires, ou l'État ? Qui doit être le mieux protégé : le patron qui emprunte ou la banque, le débiteur ou le créancier ? Jusqu'à quel point un patron peut-il être responsable sur ses biens privés ? La précédente modification, celle de 1994, était, de l'aveu du rapporteur de la loi actuelle, faite sur mesure pour éviter de trop grosses pertes aux banques, après les faillites dans l'immobilier.
La nouvelle mouture de la loi vise également à protéger les intérêts des banques qui ont prêté des capitaux à des entreprises qui ont fait faillite. Les banques seront remboursées en priorité et elles pourront se grouper en comité pour imposer le plan de redressement ou la liquidation qui leur sera le plus favorable. En revanche, le projet de loi permet à l'État et aux organismes sociaux d'abandonner leurs créances sur les entreprises en difficulté.
Dans son rapport, le député Xavier Roux, défenseur du projet, explique que les formalités pour reprendre une entreprise seront simplifiées et "qu'aucune sanction n'est prévue en cas d'inexécution des engagements de l'acquéreur en matière de maintien de l'activité ou de l'emploi", dans le cas où l'entreprise est vendue par morceaux. Dans le cas où elle est cédée en bloc, "il n'existe plus de commissaire à l'exécution du plan de cession". Ainsi, les margoulins qui touchent des subventions pour redresser des entreprises, puis les liquident quelques mois après, vont pouvoir continuer à prospérer...
Pour ce qui est des droits des salariés en cas de faillite de l'employeur, le rapport parlementaire est aussi bref qu'explicite : "Le projet de loi maintient les deux leviers facilitant les licenciements économiques." Les travailleurs restent donc les premiers, et souvent les seuls, à payer les pots cassés. En revanche, les dirigeants d'entreprises faillis verront leurs sanctions, pénales ou professionnelles, diminuées. Les professions libérales (médecins, avocats, etc.) pourront elles aussi bénéficier des lois sur la faillite, c'est-à-dire ne plus être responsables sur leurs biens personnels. Comme on voit, on peut faire une loi sur les faillites et soigner sa clientèle électorale.
La nouveauté de cette loi résiderait, d'après ses promoteurs, dans le "plan de sauvegarde". Le patron qui se sentirait menacé par la faillite pourrait bénéficier de la loi sur les faillites... sans faire faillite ! Il pourrait suspendre le paiement de ses dettes et continuer à diriger son entreprise, sans passer par un administrateur judiciaire. Mais surtout il pourrait licencier selon les procédures de faillite, et non suivant le code du travail. Un autre député de droite demande même que, dans ce cas, ce soit l'organisme chargé de verser les salaires en cas de cessation de paiement qui soit mis à contribution, alors même que l'entreprise continue à fonctionner. Un patron pourrait donc licencier facilement et pour pas cher, pour peu qu'il se dise menacé de faillite. Et pour compléter le dispositif, c'est le patron lui-même qui évaluerait la menace de faillite. Personne d'autre que lui ne pouvant exiger de regarder ses comptes, car il faut respecter "la confidentialité consubstantielle au secret des affaires et la liberté d'entreprendre". Ainsi cette loi, officiellement faite pour réglementer les faillites, servirait surtout à faciliter les licenciements.
Dans son exposé, le rapporteur Roux explique que "les nombreuses modifications proposées par le Médef ont été retenues dans le cadre du projet loi". Ça vous surprend ?