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Air France : "Meilleure compagnie 2005" - A quel prix !
En pleine grève des agents de piste d'Orly, le PDG d'Air France-KLM, Jean-Cyril Spinetta, se trouvait à Washington pour y recevoir le prix de "la meilleure compagnie aérienne 2005" décerné par le magazine Air Transport World (Le Monde du transport aérien). Il en profita pour dire qu'il considérait comme non "appropriées" les remarques d'un rapport de l'Inspection du travail qui venait de souligner le manque de sécurité des passerelles mobiles utilisées par Air France, après l'accident du 1er février ayant coûté la vie à une hôtesse.
Attribuant le "nombre d'incidents" de passerelle "qui augmente" à des "mesures (de sécurité) en vigueur qui ne sont pas suffisantes", ce rapport tombait mal pour la direction. Elle venait d'incriminer un agent de piste sans attendre le résultat des enquêtes officielles. Alors que les agents de piste dénonçaient le manque de moyens matériels et humains comme principal facteur d'insécurité, le rapport en question semblait bel et bien mettre en cause la direction.
Celle-ci aurait préféré se passer d'une telle publicité. Sacrée la meilleure, affichant des résultats financiers florissants, elle espérait pouvoir aguicher plus facilement les milieux boursiers, au moment où elle privatisait une nouvelle tranche (17,7%) de son capital.
La majeure partie de l'opération s'adressait au public, autrement dit aux spéculateurs pour qui acheter "du Air France" peut être tentant. Depuis un an qu'Air France et KLM ont fusionné, ce tandem est devenu un des premiers groupes aériens mondiaux. Mieux, avec 296 millions d'euros de bénéfices en six mois -en progression de 56,6% sur un an- Air France affiche des résultats à faire pâlir ses rivales, dont plusieurs, aux États-Unis, se disent au bord de la faillite, tandis qu'en Europe British Airways et Lufthansa ont des problèmes.
Comme le PDG d'Air France ne peut plus citer ses concurrents en exemple pour exiger de son personnel qu'il se serre la ceinture, il invoque la situation, à l'en croire "catastrophique", de tout le secteur aérien auquel il "faudrait des marges de 7 à 8%, alors que l'on est au maximum à 3%". Cela, il n'a pas osé aller le dire en piste, dans les ateliers ou aux comptoirs d'embarquement, à ceux dont il gèle les salaires depuis des années, ni à leurs camarades en intérim, en contrats précaires ou employés de sous-traitants qui font le même travail, mais à des conditions encore pires. Non, c'est à l'Assemblée nationale qu'il est allé pleurer, devant un public acquis par avance à sa cause.
En fait, la direction d'Air France est tout sauf à plaindre. Les journaux boursiers ont salué les centaines de millions d'euros de bénéfice que, cette année encore, elle a engrangés, les 700 millions qu'elle va retirer de la vente du système de réservation Amadeus. Mais cela ne lui suffit pas : elle a programmé 200 millions de réductions de coûts, qui s'ajouteront aux 90 millions que la fusion avec KLM lui a permis d'économiser. Elle compte les obtenir en faisant la chasse "au gras", pour citer le N° 2 du groupe, Van Wijk, qui a sabré 4500 emplois à KLM, soit un sur six ! Car c'est de cela qu'il s'agit, quand le PDG dit aux "managers parisiens (qu'ils) peuvent tirer des leçons de leur filiale néerlandaise".
Geler les salaires et les embauches, supprimer des postes, précariser l'emploi, externaliser des services entiers... En Piste, cela donne deux agents par avion au lieu de trois auparavant. Réduire d'un tiers les coûts salariaux, cela plaît aux actionnaires. Mais cela peut avoir un coût terrible en termes de sécurité pour les travailleurs, on l'a constaté avec la mort accidentelle d'une hôtesse de l'air.