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- Lutte ouvrière n°1908
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Editorial
Profits : Ils ont de l’argent, il faut leur arracher des salaires corrects pour tous!
Les bénéfices des grandes entreprises ont atteint, l'an passé, des montants records. Dans les banques, ils ont augmenté en moyenne de 25%. Dans l'automobile, Renault a augmenté les siens de 43%. Madame Bettencourt, première fortune de France, a de quoi se réjouir des 143% d'augmentation des bénéfices de la société L'Oréal, dont elle est la principale actionnaire. Arcelor, devenu le géant de l'acier par la fusion d'entreprises qui avaient mis à la porte des milliers d'ouvriers de la sidérurgie, a multiplié ses bénéfices par 9. La palme revient à Total. Cette entreprise pollueuse des côtes bretonnes et vendéennes, responsable de l'explosion de l'usine AZF à Toulouse, a encaissé 9 milliards d'euros, le plus important bénéfice jamais réalisé en France!
Comparons donc ces chiffres à l'évolution des salaires! Comparons l'accroissement des fortunes pour quelques-uns avec l'aggravation de la pauvreté pour des millions de chômeurs et de précaires! On dirait que coexistent dans ce pays deux mondes, à des années-lumière l'un de l'autre.
Dans l'un, on vit dans un luxe inimaginable pour le commun des mortels. Lorsque la presse a révélé que le ministre de l'Économie se faisait payer par l'État les 14000 euros mensuels du loyer de son appartement de 600 m², il a dit, pour se défendre, qu'il «n'en connaissait pas le montant». Un loyer équivalant au salaire brut de 12 smicards! Le ministre n'est pourtant qu'un serviteur des possédants, même pas des mieux rétribués, à côté des hauts cadres du privé qui peuvent payer des loyers de ce genre sans que la presse s'en émeuve. Les véritables riches sont ceux qui les payent, les propriétaires, les gros actionnaires des entreprises, ceux qui encaissent les profits en hausse.
Face au monde des privilégiés, il y a l'autre monde où, quand on ne sait pas quel est le montant de son loyer, c'est parce qu'on n'a pas de logement. Un monde où, même pour ceux qui ont un travail stable, une hausse de salaire de 3 ou 4% est une exception, où un travailleur sur sept gagne moins que le smic.
Oui, on dirait deux mondes. Et pourtant, il s'agit du même. C'est la pauvreté des uns qui fait la richesse des autres. C'est parce qu'on écrase les salaires, qu'on réduit les effectifs en faisant travailler plus ceux qui restent, que les profits sont en hausse. On nous dit qu'il faut que les entreprises se développent et fassent du profit. Mais à quoi leur sert ce profit? À investir dans des usines? Dans des machines nouvelles? À créer des emplois? Non! Uniquement à enrichir les actionnaires et à permettre le rachat d'entreprises existantes par d'autres.
L'accroissement considérable des profits ne se traduit pas par plus d'argent pour la santé publique, pour l'Éducation nationale, pour les transports collectifs. C'est l'inverse. Le gouvernement impose des économies sur tout ce qui est utile à la collectivité, afin d'aider les patrons à réaliser toujours plus de profits.
La satisfaction des patrons annonçant leurs profits est une provocation. Mais elle rappelle que l'argent existe pour payer des salaires corrects et pour assurer du travail à chacun en le répartissant entre tous. Ce serait l'intérêt des travailleurs et de l'ensemble de la société. Mais ni le patronat ni le gouvernement à sa botte n'ont que faire de l'intérêt collectif.
Et si les travailleurs veulent obtenir les hausses de salaire qu'ils sont en droit d'exiger et la résorption du chômage, il leur faudra les imposer. Il faudra un mouvement ample, explosif, mobilisant l'ensemble du monde du travail.
Les directions syndicales ne proposent pas un plan d'action allant dans ce sens, susceptible de redonner confiance aux travailleurs. Mais elles peuvent être contraintes à faire plus que des initiatives ponctuelles. Il faut saisir toutes les occasions, à commencer par la journée d'action du 10 mars à laquelle elles appellent.
Même si un succès de cette journée ne suffira pas à faire reculer le patronat et le gouvernement, cela peut être et doit être une étape pour la contre-offensive indispensable des travailleurs.
Arlette LAGUILLER
Editorial des bulletins d'entreprise du 21 février