" Parcours de soins " et nouveaux tarifs des médecins... Une attaque qui touche les plus démunis27/01/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/01/une1904.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

" Parcours de soins " et nouveaux tarifs des médecins... Une attaque qui touche les plus démunis

D'ici juillet, chacun devra choisir son "médecin traitant", celui qui, selon la Sécurité Sociale, nous connaîtra le mieux et nous aidera à nous orienter vers les spécialistes et autres professionnels de santé en cas de nécessité. Dit comme cela, on ne voit guère en quoi le rôle du nouveau "médecin traitant" diffère de celui du bon vieux "médecin de famille". Une des différences est que, dans ce labyrinthe du nouveau "parcours de soins" imposé par la réforme de l'Assurance maladie, les perdants seront les plus démunis.

La médecine à deux vitesses que dénoncent aujourd'hui nombre de commentateurs existe depuis belle lurette. À l'hôpital, pour obtenir un rendez-vous avec certains médecins ou chirurgiens, il faut s'y prendre des semaines, voire des mois à l'avance. Mais, comme par magie, le même médecin ou le même chirurgien peut être vu dans des délais beaucoup plus raisonnables, pourtant au sein des mêmes locaux hospitaliers. Il suffit de payer le prix de la consultation "privée", c'est-à-dire beaucoup plus cher. Et ce n'est pas un bakchich, c'est tout à fait légal: à l'hôpital, on est plus ou moins vite soigné et opéré selon que l'on est plus ou moins fortuné!

L'inégalité existe aussi pour l'accès aux médecins de ville. Tous ceux qui ont du mal à boucler les fins de mois sont attentifs aux prix affichés par les généralistes et les spécialistes. Ils choisissent les médecins conventionnés, ceux dits de secteur 1, qui pratiquent les tarifs officiels dont 70% sont remboursés par la Sécurité Sociale. Soit dit en passant, en contrepartie de leur respect des tarifs conventionnels, l'Assurance maladie prend en charge une partie importante des cotisations sociales de ces médecins. Quoi qu'il en soit, tous ceux qui ont du mal à joindre les deux bouts voient des médecins de secteur 1 et pas ceux de secteur 2, qui pratiquent des honoraires "libres", c'est-à-dire beaucoup plus élevés.

Avec la nouvelle réforme, l'inégalité de soins entre riches et pauvres est encore creusée. Les spécialistes de secteur 1 ont désormais deux tarifs: 27 pour les malades adressés par un "médecin traitant" et... 32 euros pour ceux qui viendront de leur propre initiative. La nouvelle réforme autorise donc les spécialistes de secteur 1, ceux qui normalement doivent respecter le tarif conventionnel, à dépasser celui-ci, en toute légalité. La conséquence n'est pas difficile à imaginer. Les délais de rendez-vous seront bien plus courts pour ceux qui payent le plus. Les autres n'auront qu'à attendre.

Douste-Blazy, le ministre de la Santé, prétend que la mise en place du "parcours de soins" avec l'obligation de passer par la case-départ "médecin-traitant" a pour objectif d'éviter le nomadisme médical et de faire des économies pour boucher le "trou" de la Sécu. Comme si les malades passaient de spécialiste en spécialiste, tels les chameaux d'oasis en oasis, pour apaiser régulièrement une soif intarissable de consultations médicales. On consulte un spécialiste quand on en a besoin, pas par plaisir ni par manie.

Quant aux économies, on ne voit pas où elles pourraient se nicher. Qu'on prenne rendez-vous directement avec le spécialiste quitte à payer 32 euros ou qu'on attende le rendez-vous pris par le "médecin traitant" afin de n'en payer que 27, la Sécurité sociale ne fera aucune économie, elle remboursera la même chose: 70% de 27 euros. En fait, le respect du "parcours de soins" coûtera même plus cher, puisque la Sécu devra rembourser la consultation chez le généraliste préalable à l'aiguillage vers le spécialiste. Une seule chose est certaine, ceux qui prendront directement rendez-vous seront plus vite soignés tandis que les autres attendront, quitte à ce que leur état de santé s'aggrave. Certains abandonneront même l'idée de voir un médecin. C'est peut-être là que se cache l'espoir d'économies du ministre.

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