Mardi 11 janvier, aux Fonderies du Poitou, un incendie s'est déclaré à 18heures à la fonderie Fonte, au coeur même des installations électriques qui alimentent les fours de fusion, et la centaine de pompiers venus de toute la région n'a pu en venir à bout avant 3heures du matin.

Comme l'a écrit la direction de la Fonte dans un courrier adressé à tous les salariés deux jours plus tard, «aucun salarié n'a heureusement été blessé». C'est une chance qui ne doit rien en tout cas à la diligence des patrons. En effet, mis à part le secteur contigu, l'essentiel de l'entreprise n'a pas été évacué, ni la fonderie aluminium qui jouxte la Fonte, ni même le reste de la Fonte.

L'incendie a été d'une telle violence qu'aucune production ne peut plus sortir du secteur Fonte. Tout au plus une partie d'entre nous ont-ils pu pendant la fin de la semaine finir le travail sur les carters déjà produits, mais dorénavant les trois fours sont à l'arrêt, les chaînes silencieuses et les 470 salariés de la Fonte au chômage technique.

L'heure est maintenant aux questions, et à l'inquiétude pour l'avenir, d'autant que la Fonte sortait tout juste d'une période de chômage lorsque l'incendie s'est produit.

Pourquoi l'incendie a-t-il pris une telle ampleur, détruisant non seulement les installations électriques mais endommageant de manière peut-être irrémédiable la plate-forme fusion? L'installation a 25 ans, mais la course incessante au profit n'a-t-elle pas conduit à rogner sur les dépenses de maintenance? Pour quelles économies minables les condensateurs à huile, où a semble-t-il commencé l'incendie, n'ont-ils pas été isolés les uns des autres et protégés par des systèmes anti-incendie suffisants lorsqu'ils ont remplacé il y a quelques années les condensateurs au pyralène?

Et quelles vont être les conséquences en termes de salaire et d'emploi? Après les premières expertises, il semble qu'un des trois fours puisse être assez rapidement remis en marche, à condition de fournir une alimentation électrique de dépannage. Mais «assez rapidement», cela veut dire à la mi-février dans le meilleur des cas selon la direction elle-même. En attendant, ce sera le chômage technique, indemnisé désormais aux mêmes conditions que le chômage partiel, c'est-à-dire à 50% du taux horaire brut.

Au-delà, des questions se posent sur l'avenir même de la fonderie Fonte. Rachetée il y a quelques années en même temps que l'Aluminium par Teksid, le groupe fonderies de Fiat, la Fonte est restée propriété de cette dernière lorsque l'Aluminium a été repris par le fonds d'investissement Questor. Jusqu'à présent, la fonderie Fonte d'Ingrandes est la seule à produire certains types de carters moteurs pour Renault. Mais la direction a d'ores et déjà annoncé qu'une partie sera prochainement reprise par la fonderie italienne de Crescentino, tandis que Renault étudie l'éventualité de faire produire aussi en partie en Espagne.

Les patrons ne seront-ils pas tentés de ne pas faire les lourds investissements nécessaires à la relance de la fonderie d'Ingrandes? Il serait particulièrement scandaleux que les travailleurs soient les seuls à laisser des plumes dans l'affaire, alors que les patrons, qui n'ont que la peine d'empocher les bénéfices, seront couverts par les assurances. Il n'y a aucune raison que nous acceptions des sacrifices, ni en matière d'emploi, ni en matière de salaire!