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Airbus A380 : Cocorico et profits à gogo
Mardi 18 janvier, pour annoncer la sortie de l'A380 devant 4500 invités, 500 journalistes du monde entier et 4 chefs d'État, le quotidien régional La Dépêche du Midi titrait sur toute sa une: «Le jour de gloire «. Pas moins! L'éditorialiste emporté par l'élan affirmait: «<|>Au risque d'apparaître comme d'incorrigibles cocardiers, Toulouse et le Grand Sud éprouvent une grande fierté...l'A380 est aussi... le nôtre, nous qui nous émouvons devant sa silhouette de pilier de rugby... », etc. Fermez le ban! Le cassoulet toulousain et Concorde se sont littéralement fait doubler.
Ce chauvinisme régional est tellement contagieux que dans le même numéro, le titre d'un article commentant la mission vers la planète Titan proclamait: «Toulouse pose un pied sur Titan » - un des laboratoires sélectionnés par le CNES est effectivement toulousain. La belle affaire!
Dans son discours, Chirac a été tout aussi grandiloquent pour faire, lui, les louanges du capitalisme européen. En passant, il en a profité pour faire, entre les lignes, sa campagne référendaire.
En plus des discours et du spectacle, les invités ont eu droit à un apéritif somptueux avec des milliers de vrais verres, qui, la fête finie, sont partis à la casse, car il paraît qu'il aurait été trop coûteux de les nettoyer et de les ranger. Quelque 200 grosses voitures avec chauffeur ont été prévues pour trois jours pour ceux des invités qui voulaient visiter la région. Malgré quelques primes, les chauffeurs ne toucheront qu'un peu plus que le Smic horaire.
Enfin, à midi, un millier d'élèves de 25 communes de la Communauté d'Agglomération du Grand Toulouse ont déployé une affiche géante de 80 mètres sur 65 sur la place du Capitole.
Après tout cela, c'est seulement le lendemain, 19 janvier, que les travailleurs ont été conviés à fêter l'événement. Mais attention il y avait trois classes d'invités parmi le personnel. La 1ère classe était constituée de 5000 personnes tirées au sort ou désignées dans les usines de France, d'Allemagne, d'Angleterre, d'Espagne... et du monde entier. Eux ont participé en direct à la «cérémonie ». La 2ème classe, constituée de ceux qui travaillent directement sur l'A380, a été regroupée dans deux halls et a eu droit à une retransmission sur écran géant, buffet compris. La 3ème classe, la classe économique, c'est-à-dire les autres, ont pu suivre cela au boulot, devant les écrans de télévision du réseau interne ou sur leur écran d'ordinateur.
Le coût de tout ce cirque n'a pas été révélé. Mais il se dit cyniquement dans les instances dirigeantes que «Airbus va être présent dans les médias du monde entier. Ce qui nous coûtera moins cher que si l'on avait acheté des espaces publicitaires». Le 18 janvier donc, les Toulousains ont été «pris en otage» par l'opération publicitaire de Airbus et... 1440 CRS et 610 policiers et gendarmes. Et tout cela pour 240 tonnes de titane, de matériaux composites... et d'électronique, représentant sans doute une avancée technologique, mais qui sont surtout destinées à grossir encore les profits de Lagardère et compagnie. Noël Forgeard, PDG du groupe, dans une lettre au personnel datée du 4 janvier, se glorifiait ainsi des succès commerciaux des Airbus: «Nous avons traversé haut la main 2004,... nous avons dépassé nos objectifs de livraison (320 avions ont été livrés contre 305, l'an dernier),... nos résultats financiers ont été meilleurs que prévu: 2,3 milliards d'euros au lieu de 2,2». Avec l'A380, il compte crever les plafonds et, cocorico, dépasser durablement Boeing.
L'A380 va sans doute voler, mais les contribuables eux, ont déjà été volés. Rappelons (Lutte Ouvrière nE 1894 du 19/11/2004) que des millions d'euros ont été versés par les collectivités locales (Région, Département et Communauté d'Agglomération de Toulouse) pour financer la construction de la zone industrielle conçue autour du gros porteur d'Airbus.
Quant aux travailleurs, dont beaucoup de sous-traitants et d'intérimaires, qui travaillent autour de l'A380, voici comment le bulletin Lutte Ouvrière, distribué sur les usines Airbus de Toulouse, résumait leurs conditions de travail: «Heures sup à gogo, heures gratuites, ouverture de l'usine 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, travail de nuit, du samedi et du dimanche, équipe 3 x 8 sur l'avion 1, sans parler des camarades sous-traitants à qui on impose n'importe quoi. Dans la course au profit, les progrès technologiques aboutissent au recul social».