La misère et le mépris des pauvres tuent encore plus que les raz-de-marée31/12/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/12/une1900.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

La misère et le mépris des pauvres tuent encore plus que les raz-de-marée

Les séismes, comme celui qui a provoqué le raz-de-marée qui vient de causer des dizaines de milliers de victimes dans le Sud-Est asiatique, font partie de ces phénomènes naturels que l'homme est encore incapable de prévoir. Mais on ne peut pourtant pas, devant ce désastre, se contenter d'invoquer la fatalité.

Une fois de plus, ce sont des pays où la plus grande partie de la population vit dans la misère qui ont été touchés. Ce n'est pas étonnant, car en ce XXIe siècle où la science et la technique permettent d'envoyer une sonde, après un voyage de sept ans, explorer la banlieue de Saturne à plus d'un milliard de kilomètres, il y a malheureusement dans le monde plus de régions où la population connaît le plus grand dénuement que de pays riches. Et bien évidemment le fait que des populations entières soient contraintes de s'entasser dans les baraques misérables que l'on a pu voir à la télévision, dans des villages dépourvus de moyens d'accès modernes, n'a pu qu'augmenter le nombre des victimes au moment du raz-de-marée et freiner l'arrivée des secours ensuite.

D'autant que si le séisme sous-marin qui a provoqué ce raz-de-marée ne pouvait pas être prévu, il a été enregistré par les scientifiques une heure, deux heures, ou trois heures selon les endroits, avant que celui-ci ne vienne ravager les côtes qui bordent cette partie de l'océan Indien. Cela aurait pu être un délai suffisant pour évacuer une grande partie des populations menacées, et diminuer d'autant le nombre des victimes. Mais encore aurait-il fallu qu'existent des moyens de transmission et de communication. Encore aurait-il fallu que la prévention de ce genre de drames soit une préoccupation, non seulement pour les gouvernements locaux, plus préoccupés de sauvegarder les privilèges des riches que du sort de leurs peuples, mais aussi pour les grandes puissances, qui disposent pourtant de moyens techniques considérables dès qu'il s'agit de défendre, n'importe où dans le monde, les intérêts des grands groupes financiers qu'elles protègent.

Oh, ces grandes puissances ne sont pas restées sans rien faire. La commission européenne a " immédiatement " débloqué trois millions d'euros destinés à " couvrir les besoins initiaux vitaux "... c'est-à-dire à peine plus de la moitié de ce que l'UMP a déboursé à elle seule il y a quelques semaines pour le sacre à grand spectacle de Sarkozy! Puis, devant l'ampleur de la catastrophe, les organismes internationaux et les gouvernements des pays riches ont multiplié les promesses d'aides. Mais lors du tremblement de terre qui avait ravagé la région de Bam, en Iran, il y a tout juste un an, les mêmes avaient aussi fait assaut de générosité en paroles. Douze mois plus tard, seulement 1% des fonds promis ont été versés! Comme le faisait remarquer un journaliste des Dernières Nouvelles d'Alsace, à une époque où l'on parle tant de la mondialisation, la " mondialisation des secours " n'existe pas. Parce qu'elle serait " trop onéreuse " d'après lui. Disons plutôt parce qu'elle ne rentre pas dans les préoccupations de tous ceux qui ne pensent qu'en termes de profit.

Le chauvinisme n'est même pas absent des commentaires sur cette catastrophe internationale. Les grands moyens d'information s'étendent, sans la moindre décence, sur le sort des touristes occidentaux surpris par le raz-de-marée sur les plages jusque-là paradisiaques. Leur sort est certes tragique, mais pas plus que celui des milliers de victimes locales qui n'étaient pas en vacances. Un grand journal du matin s'est même offert le ridicule de publier sur une demi-page une carte de la région touchée... avec les emplacements des clubs de vacances français, et de récidiver en titrant à la Une le surlendemain sur " 200 familles françaises dans l'angoisse "!

Alors, une fois de plus, comme lors de chaque grande catastrophe, on nous rappelle l'adresse des différentes organisations caritatives, des ONG, auxquelles le public peut adresser ses dons. Et c'est bien que des millions de gens (généralement pas parmi les plus riches) se sentent concernés par ce drame, c'est bien que ces organisations existent, puisque ceux qui par leur puissance économique, ou leur pouvoir politique, gèrent le monde se préoccupent si peu de ce genre de problèmes.

Il ne sera sans doute jamais possible d'éliminer toutes les catastrophes naturelles. Mais ce qui est possible, c'est un monde où la course au profit individuel ne sera pas la loi suprême. Un monde où ceux qui exercent des responsabilités ne se contenteront pas de faire des promesses au lendemain d'un drame comme celui qui vient d'arriver, pour les oublier aussi vite.

Ce monde fraternel, solidaire, c'est ce que le mouvement ouvrier, lorsqu'il est né, appelait le socialisme ou le communisme.

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