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Editorial
La main tendue aux travailleurs turcs
De Sarkozy à de Villiers, toute une partie de la droite est partie en guerre contre l'idée que la Turquie pourrait entrer dans l'Union européenne... dans quinze ans. Mais manifestement, s'ils parlent beaucoup de l'Europe, ces gens-là se préoccupent surtout des rivalités entre les politiciens de droite.
Puisque Chirac s'est déclaré favorable à l'entrée, un jour, de la Turquie dans l'Union européenne, Sarkozy s'en déclare adversaire. Quant au vicomte de Villiers, qui cherche comme toujours à séduire la fraction la plus réactionnaire de l'électorat de droite, celle qui pense que l'Europe devrait affirmer qu'elle est chrétienne, et qui s'effraie à l'idée qu'elle puisse s'associer un État dont la majorité de la population est musulmane, il a trouvé des accents à la Bush pour dénoncer un pays qui «a une frontière avec l'axe de l'épouvante», comme si le voisinage de la Turquie avec l'Irak avait quoi que ce soit à voir avec le problème!
Mais tout cela n'est que poudre aux yeux, car ce ne sont ni Sarkozy, ni de Villiers, ni Chirac, qui décideront de l'entrée ou non de la Turquie dans l'Union européenne. Ni le «peuple français» dont ils prétendent que c'est lui qui doit trancher.
Si les quelques grandes familles, les grandes sociétés, en passant par celle de Sellière, qui dirigent vraiment ce pays, estiment (après avoir depuis longtemps supprimé les droits de douane avec la Turquie, et y avoir beaucoup investi) que l'entrée de ce pays dans l'Union européenne est bonne pour leurs profits, alors tous les hommes politiques qui aspirent à gérer leurs affaires, de Fabius à Sarkozy, remettront dans leur poche leurs discours d'aujourd'hui, comme le feraient en sens opposé ceux qui se déclarent aujourd'hui favorables à l'entrée de la Turquie dans l'Europe, si la bourgeoisie française n'y trouvait pas son compte.
Quant au «peuple souverain», on lui demandera ou pas son avis, on en tiendra compte ou pas, suivant les mêmes critères.
Mais les travailleurs, eux, n'ont de toute manière aucune raison de s'inquiéter d'une éventuelle entrée de la Turquie dans l'Union. Certes, si les bourgeoisies européennes s'emploient laborieusement à supprimer les frontières qui morcellent ce vieux monde, c'est dans leur propre intérêt, parce qu'elles ont besoin d'un marché à l'échelle de celui des États-Unis. Mais même ainsi, la disparition des frontières, la monnaie unique, la possibilité pour les hommes de circuler librement, sont des progrès. Et la disparition des frontières peut être une chance pour tous les travailleurs d'Europe, en leur permettant de mieux prendre conscience que, de Paris à Istanbul, ils constituent une même classe ouvrière.
Ce n'est pas l'Union européenne qui est responsable de la crise, du chômage, de l'exploitation. Quand les hommes politiques de la bourgeoisie accusent «Bruxelles», ils mentent. Car les décisions prises dans les instances européennes ont été approuvées par les gouvernements de tous les pays concernés. Mais évidemment, plutôt que de reconnaître que si on oblige les travailleurs à se serrer la ceinture c'est pour permettre à leurs patrons de faire toujours plus de profits, il est plus facile de les appeler à faire des sacrifices pour faire face à la concurrence internationale!
Mais le problème que se posent nos exploiteurs, ce n'est pas la concurrence des capitalistes des autres pays. C'est de réduire encore la part des travailleurs, pour augmenter leurs profits. Par rapport à la disparité des niveaux de vie de la classe ouvrière, leur solution c'est l'alignement vers le bas. Alors que la seule solution acceptable pour la classe ouvrière, c'est de faire évoluer les choses pour que son niveau de vie, ses conditions de travail, s'améliorent dans tous les pays.
Pour cela, l'union de tous les travailleurs d'Europe est une nécessité. C'est pourquoi les travailleurs de ce pays doivent tendre la main aux travailleurs turcs, comme à tous ceux qui de par le monde vivent de leur travail.
Arlette LAGUILLER
Éditorial des bulletins d'entreprise du 20 décembre 2004