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- Lutte ouvrière n°1898
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Pays-Bas : Deux mois de mobilisation contre les projets gouvernementaux
C'est par une nette majorité (91% des votants) que les adhérents de la principale centrale syndicale néerlandaise FNV ont approuvé, lors d'un référendum dont les résultats ont été rendus publics le 3 décembre, l'accord intervenu entre les syndicats et le gouvernement, après deux mois d'agitation sociale qui ont touché tout le pays.
Ce que les politiciens et la presse appellent le "modèle néerlandais" repose sur un consensus entre le gouvernement, le patronat et les syndicats. C'est à l'image du fonctionnement bien policé de toute la vie sociale qui caractérise ce petit pays de 16 millions d'habitants. Mais c'est une pratique qui a surtout permis au patronat de s'assurer le calme social sur une longue période. À une époque où la bourgeoisie est à l'offensive dans tous les pays, ce consensus a déjà conduit à faire accepter aux travailleurs bien des reculs: les Pays-Bas sont ainsi un des pays occidentaux où le travail à temps partiel et la flexibilité sont les plus développés.
En octobre 2003, les syndicats ont accepté un accord comportant un gel des salaires pour 2004 et 2005. En contrepartie était prévue une extension des préretraites. Mais cette clause n'a pas été respectée et, depuis mai dernier, le gouvernement (composé d'une coalition de partis de droite) a décidé d'aller plus loin et a présenté un programme d'austérité comprenant, entre autres:
- La suppression des financements permettant de partir en préretraite à partir de 59 ans, ce qui revenait, dans les faits, à un retour à l'âge légal de 65 ans.
- La limitation de l'indemnisation des chômeurs.
- La réduction des conditions d'attribution de l'allocation d'invalidité du travail, la WAO. La WAO, que perçoivent plus de 700000 personnes, est en fait une sorte de préretraite (avant 59 ans) déguisée. Elle masque aussi le chômage de longue durée.
L'ensemble de ce projet représentait une attaque en règle contre le monde du travail. Mais il a entraîné une agitation, assez inhabituelle dans ce pays, qui a perduré de septembre à novembre. Les confédérations syndicales FNV (liée à la social-démocratie), CNV (chrétienne) et MHP (encadrement) ont organisé en septembre diverses manifestations avec la coordination "Tourne la page" qui regroupe de nombreuses associations locales. Ce mouvement a culminé par une manifestation nationale début octobre à Amsterdam, qui a rassemblé 200000 personnes, tandis qu'une grève quasi générale des transports paralysait le pays.
Même encadrée par les syndicats qui souhaitaient circonscrire la mobilisation aux limites qu'ils s'étaient fixées au départ, la classe ouvrière a fait une démonstration de force comme on n'en avait pas vu depuis longtemps. Fin octobre a eu lieu une journée nationale de grève dans la métallurgie, qui a été fortement suivie. De nombreuses autres actions (débrayages, grèves, rassemblements) ont eu lieu dans bien des entreprises. Finalement, des négociations ont eu lieu et le gouvernement est revenu sur un certain nombre de dispositions de son plan. En particulier, la préretraite demeure possible à 60 ans et la réforme des allocations chômage est repoussée à plus tard.
Les dirigeants syndicaux, et en particulier ceux du FNV, ont mobilisé d'autant plus facilement que c'était la droite qui était au pouvoir. Leur objectif était surtout de démontrer au gouvernement qu'il ne pouvait imposer ses mesures unilatéralement sans passer par eux dans le cadre du consensus habituel, et rien ne dit donc qu'à l'avenir ils ne cautionneront pas d'autres attaques. Mais en répondant présent aux appels syndicaux, en prenant parfois l'initiative localement, les travailleurs des Pays-Bas ont montré, dans un pays où ils apparaissent rarement sur le devant de la scène, qu'ils représentent une force considérable.