Irak, l'attaque de Fallouja : L'escalade10/11/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/11/une1893.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Irak, l'attaque de Fallouja : L'escalade

Lundi 8 novembre, les troupes d'occupation en Irak ont attaqué la ville de Fallouja, déjà encerclée et écrasée sous un déluge de bombes et d'obus, depuis des semaines. Les quinze à vingt mille soldats, en quasi- totalité américains, qui progressent depuis lors, quartier par quartier, doivent faire face à une résistance acharnée, selon les dires mêmes d'un commandant d'une compagnie de blindés américains. Il n'est pas difficile d'imaginer que cette attaque est en train de provoquer un bain de sang.

Si la moitié des 300000 habitants de cette ville a fui, peut-être plus d'après certains journalistes, il reste tout de même encore entre 100000 et 150000 civils qui n'ont pas la possibilité de s'échapper. En effet, les troupes d'occupation bouclent les routes aux sorties de la ville depuis plusieurs semaines. La population civile de Fallouja se retrouve donc prise au piège.

Un commandant américain a indiqué que cette bataille pourrait être "le combat urbain le plus violent depuis la guerre du Vietnam". Pour les autorités militaires américaines, tout homme en âge de combattre est un terroriste en puissance et toute voiture une bombe potentielle. Un colonel des forces américaines déclarait sur la BBC que "l'ennemi" irakien a un visage, celui de Satan, que celui-ci vit à Fallouja et que l'armée américaine va le détruire. De tels propos ne laissent aucune illusion sur l'attitude de l'armée américaine dans les jours à venir.

Le Premier ministre irakien Iyad Allaoui, soutien de l'impérialisme américain, a justifié l'état d'urgence qu'il a décrété pour soixante jours dans le pays, la loi martiale qui lui donne tous les pouvoirs et son soutien à l'intervention américaine sur Fallouja en prétendant que "les gens de Fallouja nous ont demandé d'intervenir aussi vite que possible. Ils ont été pris en otages par une bande de terroristes, de bandits et d'insurgés qui étaient impliqués dans les atrocités perpétrées par le régime de Saddam". Mais on peut prévoir que la nouvelle offensive de l'armée américaine, loin d'augmenter le soutien dont dispose le gouvernement dans la population, le diminuera encore.

Même en intervenant d'une manière massive et féroce, l'armée américaine n'est pas assurée d'écraser la résistance dans cette ville dans laquelle les émeutes ont commencé trois semaines après la chute de Saddam Hussein. La première offensive d'avril dernier, qui avait provoqué un millier de morts irakiens et deux fois plus de blessés, s'était déjà soldée par un échec pour l'armée américaine. De plus, chaque massacre de civils provoqué par les troupes d'occupation augmente la haine de la population irakienne à leur égard et renforce ceux qui s'opposent à cette occupation.

Et puis Fallouja n'est pas le seul point de résistance. La presse relate tous les jours attentats, explosions à la voiture piégée, enlèvements, qui touchent tout le pays. Au moment même où les troupes américaines entraient dans Fallouja, on apprenait que des combats continuaient à Ramadi, ville de 400000 habitants, imposant un recul aux troupes d'occupation. De la ville de Baquouba, les journalistes présents disent que ce sont les occupants qui la gouvernent le jour, mais la résistance irakienne qui la gouverne la nuit. Dans les taudis de Sadr City, on assiste au début d'une sorte d'Intifada irakienne. Un grand nombre de jeunes se battent à mains nues, ou à l'aide de seules pierres, contre les patrouilles américaines armées jusqu'aux dents.

Alors en attaquant Fallouja, les troupes américaines ne font que s'enfoncer un peu plus dans un bourbier sans issue. Le gouvernement Bush peut, bien sûr, se livrer encore à une escalade guerrière. Mais les troupes américaines ne pourront pas tenir indéfiniment un pays où chacune de leurs actions soulève contre elles un peu plus de haine. Malheureusement, ce sera au prix de destructions sans nombre et de dizaines, voire de centaines de milliers de morts, en majorité irakiens.

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